« Valorisons nos langues maternelles », c’est la préoccupation majeure des cadres de IRLA depuis l’installation du Conseil National de la transition, organe législatif chargé de la rédaction d’une nouvelle constitution.
Dans un entretien qu’il a récemment accordé à un journaliste d’avenirguinee.org, Dr Alioune Bah, DGA de cette institution, explique comment ses cadres se préparent pour effectuer ce travail sur le terrain. Entretien…
Avenirguinee.org: Vous suivez, au même titre que nous, les débats d’orientation constitutionnel qui ont démarré depuis dix jours au CNT. En tant que responsable au sein de l’IRLA qui a pour mission de faire la promotion des langues maternelles, est-ce qu’il y a un partenariat entre vous et le Conseil National de la Transition pour la vulgarisation de la future constitution dans nos langues nationales ?
» Vous avez entendu à l’instant la réponse du directeur à cette question. Il y a un accord verbal entre notre Institut et le CNT. Cela veut dire qu’au moment venu, nous signerons une convention qui définira les conditions, les modalités, les délais et les moyens nécessaires pour que ce travail soit effectué et qu’il serve à l’information de nos concitoyens. Pour l’instant, ce n’est pas le cas. Mais, on part de l’idée que cela se fera puisqu’il y a un besoin qui est exprimé, celui de transcrire la future constitution dans nos 8 langues nationales.
Aujourd’hui, on a six (6) équipes linguistiques qui sont opérationnelles, et nous venons de nous joindre à de nouveaux collègues dans les langues Wamey et Onéyan pour nous renforcer. Donc, nous aurons au total huit (8) groupes linguistiques disponibles pour la transcription de la future constitution pour le bénéfice de l’ensemble de nos populations.
A cet effet, nous attendons de recevoir le texte final qui résulte des consultations en cours, étant donné que nous sommes dans la phase des débats. Autrement dit, à l’instant où je vous parle, il n’y a aucun texte constitutionnel, ce qui nous laisse encore quelques mois pour préparer nos équipes. Dès que le CNT disposera d’un texte qui sera présenté à l’exécutif, je pense que nous serons informés et que nous le recevrons officiellement à ce moment pour qu’il soit traduit en vue de favoriser la décision de nos concitoyens lors du référendum qui sera organisé pour sa validation. Nous espérons avoir signé la convention de partenariat avec le CNT d’ici-là.
Une fois la traduction faite, nous allons déployer nos collègues en région, mais aussi dans le Grand-Conakry pour animer des campagnes d’informations des populations dans leurs langues maternelles. Ce sera alors l’occasion de lire aux populations le contenu des dispositions constitutionnelles dans les langues nationales, et de procéder à l’explication, voire l’explicitation des nouveaux mots, des nouvelles orientations sur le régime politique, le fonctionnement des institutions, leur rôle en tant que citoyen. Autrement dit, au-delà de notre mission de transcription, nous déploierons une ingénierie sociale en matière de pédagogie et d’accompagnement à la citoyenneté.
Avenirguinee.org : Quelles sont les langues choisies pour la vulgarisation de la future constitution ?
Oui, en effet, je vous ai cité le Onéyan, le Wamey, auxquels il faut ajouter le Sosoxui, le Manikakan, le Pular, le Kisiei le Kpèlèwoo et le Lomagoi. Ces langues ne sont pas choisies par nous ; elles ont le statut de langues nationales depuis la première République. Tout l’enjeu pour nous est de leur donner leur juste place dans l’expression des valeurs sociales, culturelles, économiques et naturellement politiques qui forment notre authenticité de Guinéen et qui nous engagent à construire une nation unie, prospère, forte et fière de la diversité de ses composantes.
Avenirguinee : Comment comptez-vous réellement effectuer ces travaux-là sur le terrain ?
La traduction se fera ici avec nos 8 groupes linguistiques, comme je vous le disais à l’instant. Pour aller sur le terrain, on va constituer des équipes par région naturelle et par groupes linguistiques et ces équipes iront dans les préfectures, les villes, les districts, les villages pour expliquer lors des campagnes qui seront organisées ce qu’est une constitution, ce que telles dispositions signifient dans leur propre langue et leur rôle dans son adoption par référendum.
Concernant les modalités de ces campagnes, rien n’est encore définitif et les choses seront à préciser le moment venu. Ça peut être des grandes campagnes sous forme des soirées conte et légende comme on a l’habitude avec une bonne ambiance ludique et pédagogique qui nous permet de passer le message. Mais pour le moment rien n’est fixé, on a des formats qu’on peut déployer mais on attend de voir quelle sera la commande et quels seront les moyens dégagés à cet effet.
Avenirguinee.org : est-ce que vous avez les moyens financiers pour effectuer ce travail sur le terrain ?
On pense que l’Etat va nous doter de moyens suffisants pour réussir ce travail. Parce que c’est l’Etat qui en fait la demande. Nous sommes un service de l’État, un institut au service de l’Etat pour faire de la recherche appliquée, c’est-à-dire que les productions que nous réalisons doivent servir sur le terrain automatiquement. Donc, nous pensons effectivement que l’Etat va revoir le budget lors du conventionnement avec le CNT pour que nous puissions disposer des ressources suffisantes et adéquates pour mener cette mission de sensibilisation et de préparation à la compréhension des dispositions contenues dans la constitution. C’est une mission d’éducation de la citoyenneté qui est au cœur de nos recherches, étant donné que les applications sur le terrain doivent produire un changement qualitatif sur la façon dont nous percevons nos langues, notre culture, notre diversité linguistique et ethnique. Avec la transcription de la constitution et les campagnes qui l’accompagneront, nous espérons pouvoir participer, à notre place et selon nos compétences propres, à déconstruire des représentations parfois erronées de la chose publique, et d’inscrire de nouvelles perceptions plus favorables à l’expression de la citoyenneté, du respect de la loi à tous les niveaux en vue de la paix et de la prospérité de notre peuple.
Votre message aux citoyens ?
Nous sommes dans une phase importante, celle de l’élaboration et de l’adoption d’une constitution qui sera notre contrat social. Autrement dit, la constitution, qui est l’expression de notre moi collectif, posera les conditions à respecter par tous, administrateurs et administrés en vue d’un vivre ensemble harmonieux. Ce n’est pas seulement une tâche qui revient à l’État transitoire et à ses institutions, mais à l’ensemble du peuple de Guinée. C’est pourquoi un appel serait que le peuple de Guinée se mobilise pour participer aux débats, lire et apporter les suggestions qu’il faut à la future constitution avant son adoption par référendum. Les dispositions constitutionnelles s’appliqueront à tous les Guinéens. C’est le contrat qui nous lie et qui fait de nous un peuple à part entière. Ce contrat définit nos droits et libertés, nos devoirs, la conduite de l’État, le caractère justiciable de l’État et de ses représentants, la nature de notre régime politique et les modalités requises pour le fonctionnement effectif des institutions politiques, sociales, administratives, économiques, écologiques et culturelles. C’est le tout substantialiser de notre vie civile, publique et politique qui se trouve normalisé par la constitution. Nous devons travailler à l’authenticité de cette constitution, chacun à son niveau et selon ses compétences. Nous devons œuvrer à l’enraciner dans nos réalités en évitant toute logique d’imitation ou de mimétisme. L’authenticité de notre constitution sera à la hauteur de notre audace pour changer nos manières de penser et de faire, car la société nouvelle dont la future constitution se veut le cadre demande d’abord qu’on entreprenne un changement en nous-mêmes. Alors, j’invite l’ensemble de nos concitoyens à être et à vivre ce changement en eux, ce changement dont la matérialisation transformera notre pays, tel que nous ambitionnons toutes et tous. Saisissons cette phase de renouvellement et soyons le changement.
Réalisé par Ibrahima Sory Camara pour avenirguinee.org