En 2004, la Guinée a vendu sa seule compagnie nationale, Air Guinée, un acte qui continue de susciter de vives critiques et de profonds regrets parmi les anciens travailleurs de l’entreprise. Parmi eux, Hadja Mariama Condé, première femme ingénieure aéronautique du pays et Directrice du Bureau de Stratégie et du Développement (BSD) d’Air Guinée pendant 20 ans. Elle s’est confiée à avenirguinee.org ce mardi 19 novembre.
Hadja Mariama Condé, née en 1953, a grandi à Conakry où elle a suivi ses études primaires. Elle était la seule fille de sa génération à choisir l’option mathématiques et physique, avant d’être envoyée en Russie pour se spécialiser en ingénierie aéronautique.
À son retour, elle a occupé un poste stratégique à Air Guinée. « C’est le Directeur Général d’Air Guinée qui m’a repérée. Il a dit : Cette femme-là, il faut qu’elle vienne travailler avec moi. Après avoir convaincu le ministre des Transports de l’époque, Commandant Siaka Touré, j’ai été nommée Chef du Bureau d’Études d’Air Guinée en 1982. J’y ai travaillé jusqu’à la fermeture de la compagnie en 2004 », raconte-t-elle.
Évoquant la contribution d’Air-Guinée, elle insiste sur son rôle clé dans le transport aérien du pays. « Tout notre personnel était guinéen : pilotes, ingénieurs, agents commerciaux, hôtesses. La compagnie faisait partie de la fonction publique, ce qui était un grand avantage. Nous desservions toutes les régions naturelles de la Guinée grâce à nos aéroports régionaux à Labé, Kankan, N’Zérékoré, et bien d’autres. Nous assurions également les vols pour les pèlerinages, transportant non seulement des pèlerins guinéens, mais aussi libériens, sierra-léonais, maliens, et ivoiriens. »
Cependant, elle déplore les lacunes dans la gestion. « La compagnie avait le potentiel technique pour entretenir ses avions. Par exemple, le Boeing 737 d’Air Guinée était maintenu selon les normes internationales. Mais la mauvaise gestion a précipité sa chute. »
Hadja Mariama Condé critique vivement la décision de vendre la compagnie. « Quand le Boeing 707 a été mis en vente pour 700 000 dollars, alors qu’on venait de réviser ses moteurs pour près d’un milliard, c’était un non-sens. J’avais proposé au ministre des Transports de louer l’appareil au lieu de le vendre, mais ma suggestion n’a pas été retenue. »
Elle pointe du doigt les intellectuels de l’époque : « Le président Lansana Conté avait dit qu’il ne connaissait rien et qu’il comptait sur eux pour l’aider à gérer. Mais l’ont-ils réellement aidé ? Je pense que nous sommes tous responsables de cette situation. »
À 66 ans, Hadja Mariama Condé regrette également l’absence de reconnaissance pour ses contributions. « Lors des célébrations des 66 ans de l’indépendance, j’ai espéré être citée parmi les femmes honorées. Mais aucune des femmes ayant travaillé dans l’aviation, notamment à Air Guinée, n’a été reconnue. C’est une grande déception. »
Pour conclure, elle exprime sa tristesse face à l’absence de relève : « Nous avons travaillé dur, mais qu’avons-nous laissé à nos enfants ? Rien. Air Guinée aurait pu rester et servir encore aujourd’hui. Mais tout cela est parti, et c’est notre plus grand regret. »
Hadja Mariama Condé demeure une figure emblématique, rappelant l’importance de valoriser les talents féminins dans des secteurs stratégiques comme l’aviation.
Pour avenirguinee.org _Ibrahima Sory Camara
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