Décidément les avocats constitués dans le procès des évènements du 28 septembre 2009 ne comptent pas reculer. Lundi, à travers une lettre adressée au président du tribunal et aux assesseurs, ils ont annoncé la suspension de leur participation à ce procès largement médiatisé. Deux points de revendication : une aide juridictionnelle et l’amélioration de leur condition de travail.
En réaction à chaud à cette réclamation de tous les avocats inscrits dans ce procès, le ministre de la justice et des droits de l’homme a tout simplement regretté. Alphonse Charles dit qu’il ne bougera pas d’un iota sur sa position.
Mardi, au micro d’avenirguinee.org, Me Aboubacar Sidiki Camara, avocat à la cour, exprime sa déception vis-à-vis de cette sortie médiatique du Garde des sceaux.
» Nous avons été aussi surpris et déçus lorsque nous avons vu le ministre de la justice dans les médias en train de faire une interprétation erronée de la loi ordinaire sur l’aide juridictionnelle », réplique cet avocat.
Contrairement à ce qu’a dit Alphonse Charles qui soutient mordicus que l’État n’est pas obligé d’assister les avocats, Me Camara indique que : » la loi sur l’aide juridictionnelle est claire. Cette loi précise que toute personne dont le revenu ne peut pas couvrir les frais des honoraires des avocats peut adresser une demande d’aide juridictionnelle à l’État. Mais, quand nous entendons le ministre parler, c’est comme s’il s’agit seulement des accusés. Parce qu’ il a cité Toumba et Dadis. Alors que c’est toutes les parties, même les parties civiles sont des victimes des évènements du 28 septembre », regrette-t-il.
Pour cet avocat, leur demande pour une aide juridictionnelle est émise au nom de tous les accusés, mais aussi des victimes qui ont été » humiliées, des femmes qui ont été violées, certains sont handicapés de nos jours. Il y a des jeunes gens qui exerçaient des métiers, des chauffeurs, des mécaniciens, depuis 13 ans, ils sont malades, ils ne peuvent plus exercer ce métier. Ils sont sans ressources. Même pour que les gens viennent au procès du 28 septembre, ils n’ont même pas le transport. Donc, c’est à leur nom que nous demandons l’aide juridictionnelle », précise-t-il.
Plus loin, il laisse entendre que cette sortie du ministre de la justice, par ailleurs président du comité de pilotage du procès du 28 septembre, ne vise qu’une seule chose: désinformer l’opinion.
» Le ministre dit que nous les avocats, ce sont nos clients qui doivent nous prendre en charge, nous avons une convention d’honoraire que nous avons établies entre nous et nos clients. Il cité Dadis, Toumba et dit : » l’avocat de Toumba a une convention avec lui, l’avocat de Dadis à une convention avec lui ». Que donc ce sont eux qui doivent les prendre en charge. ça, c’est une désinformation. Il (Ministre) est en train de désinformer l’opinion », rétorque le deuxième avocat choisi par ses pairs pour prendre la parole dans cette affaire.
Et d’ajouter: » Il ne s’agit pas de Toumba , de Dadis seulement, il s’agit de toutes les personnes impliquées dans ce procès. Il y a 780 victimes que nous avons enregistrées sur notre dossier. Il y a des milliers de personnes qui ne sont pas venues ici à la barre pour témoigner. C’est à leur nom que nous demandons l’aide juridictionnelle ».
Droits dans leurs bottes, ils ne comptent pas reculer. Me Camara confie que tant que leurs réclamations ne sont pas satisfaites, le procès ne se tiendra pas.
» Aujourd’hui, nous consacrons 80% de notre temps à ce procès. Du lundi au mercredi, dès 8h, nous sommes déjà au tribunal jusqu’à 18h. Nous rentrons chez nous avec tous les risques à 21h, 22h parfois 00h. Donc, quand il dit que l’État ne nous doit absolument rien, on est pas en train de quémander, c’est un droit que nous réclamons. Il est en train de faire une interprétation erronée de la loi. C’est une obligation de l’État. On est pas en train de quémander, c’est un droit. Tant que l’État ne paie pas, il n’y aura pas de procès « , lâche-t-il.
Ibrahima Sory Camara pour avenirguinee.org
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