Nous devons reconnaître que le temps est venu pour nous, en tant qu’industrie du monde entier, de nous unir pour nous adresser aux gouvernements de ce monde. » (We need to recognize that the time has come for us to come together as an industry around the world to call on the world’s governments.) Cet appel, lancé en 2017 par le président de Microsoft, à une intervention des États en vue d’adopter une convention internationale protégeant les utilisateurs du cyberespace a de quoi surprendre.
En termes de jurisprudence, depuis 2012, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu plusieurs arrêts confirmant que l’accès à Internet peut être protégé en vertu de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui garantit la liberté d’expression. L’un des arrêts en la matière le plus récent est celui rendu par la Cour de justice de la CEDEAO condamnant l’Etat guinéen pour les restrictions arbitraires d’accès à Internet en mars et octobre 2020. Ce qui constitue un précédent en matière de protection des espaces d’expression pour les citoyens mais aussi leur droit d’accéder aux sources d’informations et moyens technologiques de communication nécessaires, pour développer et véhiculer leurs opinions.
Que l’Internet soit considéré comme un droit autonome ou comme un outil permettant de faciliter la réalisation d’autres droits, les bases ont été fermement jetées pour la nécessité de réaliser l’accès universel à l’Internet. Les États sont simultanément tenus de prendre des mesures pour atteindre l’accès universel. Cependant, en réalité, l’accès universel à l’Internet est loin d’être réalisé. Cela est dû à une confluence de facteurs, notamment le manque de ressources financières pour pouvoir accéder à Internet, l’inadéquation des contenus pertinents au niveau local, les niveaux insuffisants de culture numérique et le manque de volonté politique pour en faire une priorité.
Il est de plus en plus reconnu que l’accès à l’Internet est indispensable à la jouissance d’un ensemble de droits fondamentaux. Le corollaire est que ceux qui n’ont pas accès à l’Internet sont privés de la pleine jouissance de ces droits, ce qui, dans de nombreux cas, peut exacerber des divisions socio-économiques déjà existantes.
Par exemple, un manque d’accès à l’Internet peut empêcher un individu d’obtenir des informations clés, de faciliter le commerce, de rechercher un emploi ou de consommer des biens et des services. L’accès comporte deux dimensions distinctes, mais interdépendantes : la possibilité de voir et de diffuser du contenu en ligne ; et la possibilité d’utiliser l’infrastructure physique pour permettre l’accès à ce contenu en ligne. En 2003, l’UNESCO a été l’un des premiers organismes internationaux à appeler les États à prendre des mesures pour réaliser un droit d’accès à l’Internet.
À cet égard, elle a déclaré que : Les États membres et les organisations internationales doivent promouvoir l’accès à l’Internet en tant que service d’intérêt public par l’adoption de politiques appropriées afin de renforcer le processus d’autonomisation de la citoyenneté et de la société civile, et en encourageant la mise en œuvre appropriée de ces politiques et le soutien à celles-ci dans les pays en développement, en tenant dûment compte des besoins des communautés rurales.
… Les États membres doivent reconnaître et promulguer le droit d’accès en ligne universel aux documents publics et détenus par les pouvoirs publics, y compris les informations pertinentes pour les citoyens dans une société démocratique moderne, en tenant dûment compte des préoccupations en matière de confidentialité, de respect de la vie privée et de sécurité nationale, ainsi que des droits de propriété intellectuelle dans la mesure où ils s’appliquent à l’utilisation de ces informations. Les organisations internationales doivent reconnaître et promulguer le droit pour chaque État d’avoir accès aux données essentielles relatives à sa situation sociale ou économique».
En 2012, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies (CDHNU) a adopté une importante résolution qui «appelle tous les États à faciliter l’accès à l’Internet et la coopération internationale visant à développer les médias et les moyens de communication de l’information dans tous les pays».
Les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies reconnaissent que « la diffusion des technologies de l’information et des communications et l’interconnexion mondiale offrent un potentiel considérable pour accélérer le progrès humain, combler la fracture numérique et développer des sociétés de la connaissance ».
Les ODD appellent en outre les États à renforcer l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) et d’autres technologies habilitantes pour promouvoir l’autonomisation des femmes, et à s’efforcer de fournir un accès universel et abordable à l’Internet dans les pays les moins avancés d’ici 2020. La résolution des Nations unies sur l’Internet de 2016, adoptée par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, reconnaît que l’Internet peut accélérer les progrès vers le développement, y compris dans la réalisation des ODD, et affirme l’importance d’appliquer une approche fondée sur les droits pour fournir et étendre l’accès à l’Internet. Elle affirme notamment l’importance d’appliquer une approche globale fondée sur les droits pour fournir et élargir l’accès à l’Internet, et appelle les États à envisager de formuler et d’adopter des politiques publiques nationales liées à l’Internet, dont l’objectif central est l’accès universel et la jouissance des droits de l’homme.
Dans l’affaire « Kalda v Estonia », la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a estimé que le droit à la liberté d’expression du requérant avait été violé par le refus d’une prison de lui donner accès à des sites Internet contenant des informations juridiques, car cela avait violé son droit à recevoir des informations. La Cour européenne des droits de l’homme a noté que lorsqu’un État est disposé à permettre aux prisonniers d’accéder à l’Internet, comme dans l’affaire en question, celui-ci doit donner des raisons pour refuser l’accès à des sites spécifiques.
Billy keita. E-mail : keitakaixin@qq.com