La récente déclaration du ministre de la Justice, Alphonse Charles Wright, annonçant des poursuites judiciaires contre les maires des communes rurales et urbaines, ainsi que l’interdiction de quitter le pays à leur encontre, suscite un vif débat sur la légitimité de cette action. Interrogé sur cette question, un jeune leader politique a exprimé ses préoccupations quant au respect des procédures légales.
« Nous disons que la reddition des comptes ou encore la redevabilité au niveau des élus locaux est quelque chose de normal parce que nous aspirons tous à une bonne gouvernance des choses. Lorsque, à un moment, vous assumez des responsabilités publiques ou étatiques, quel que soit le niveau, vous avez le devoir de rendre compte. Donc, sur ce, nous n’avons pas de problème, sauf que le tout doit être vraiment encadré par les normes et les lois. En principe, la norme par laquelle le ministre de la justice a fait cette annonce, je crois à l’occasion de la formation des magistrats qu’il a profité d’annoncer. Alors que si vous prenez le code de collectivité locale rédigé en 2017, il y a des dispositions qui sont indiquées pour le contrôle des services au niveau des élus locaux. À la matière, ce sont des articles 80, 81 et 82 du code de collectivité locale rédigé en 2017, et ces dispositions là indiquent que pour qu’il y ait une injonction de poursuite contre les élus locaux, dans un premier temps, il faut qu’il y ait des services des contrôles étatiques notamment des inspections. Donc ce sont les inspections qui doivent dans un premier temps venir faire un contrôle de la gestion de ces élus locaux et lorsque il est avéré qu’ils se sont rendus coupables de malversations, que ce soit du détournement, que ce soit de la corruption, que ce soit des actions menant à privilégier leur intérêt au détriment de l’intérêt de la collectivité, de ce point de vue, ces élus locaux peuvent être poursuivis. Et généralement, les délégations spéciales doivent intervenir à condition que les 1/3 des élus locaux se soient rendus coupables de malversations ou de détournement… », dit Yatigna Mansaré, président du FONAJEP.
Poursuivant, » puisque nous sommes dans une période exceptionnelle, il se trouve que le mandat de ces élus locaux a expiré, il est nécessaire et normal qu’ils soient remplacés par des délégations spéciales mais là-dessus, quels sont ceux-là qui ont mandat autorisé de prendre une injonction contre ces élus locaux ? La loi de collectivité locale indique que ce soit le ministre en charge des collectivités locales. En la matière, c’est le MATD ou bien ses démembrements, c’est-à-dire les préfets. Selon le code de collectivité locale, ce sont ces entités-là qui ont le droit de saisir les procureurs ou de poursuivre ces élus locaux. Mais nous sommes vraiment au regret de constater que la forme en la matière n’ait pas été respectée. En la matière, ce n’est pas le département en charge de la justice qui est le mieux indiqué pour contrôler les collectivités locales mais plutôt le ministère de l’administration du territoire et de la décentralisation, c’est ce département en réalité qui est le tuteur de la collectivité locale. Déjà avant cette annonce, d’autres ont été déjà remplacés… », rappelle M. Yatigna Mansare.
Concernant les élus locaux qui ont été déjà remplacés, les accusant de détournement avant cette annonce, le président Yatigna explique : « A ce niveau-là, la question qu’il faut se poser est-ce qu’il y a eu des audits ? Est-ce qu’il y a eu des enquêtes qui ont prouvé à suffisance avec des preuves matérielles que ces élus locaux qui ont été débarqués ont été vraiment coupables des délits d’infraction ou des pratiques condamnées par des textes de loi ? En ce que je sache, il n’y a pas eu d’audits, il n’y a pas eu d’enquêtes ou de contrôles menés par des services compétents en la matière. Donc, il faudrait vraiment que si nous voulons garantir le développement à la base, il faudrait, quelles que soient les volontés que nous voulons exprimer, que cela soit dans les règles de l’art. »
Enfin, il a interpellé les concernés à garder la sérénité. « Je pense que c’est bien que la forme en la matière n’ait pas été respectée, les élus locaux doivent avoir la responsabilité de garder la sérénité. Parce que s’ils sont conscients, ils ont travaillé en toute responsabilité et ils n’ont pas fait preuve de malversation, moi je ne soutiens personne en la matière… »
Ibrahima Sory Camara pour avenirguinee.org