Dans plusieurs pays du Sahel, la saison des pluies a atteint sa vitesse de croisière, et les conséquences sont énormes sur les populations, leurs moyens de subsistance et leur mobilité, alors que les agences spécialisées annoncent des précipitations excédentaires cette année.
« Même pas de caniveaux pour drainer les eaux. Chaque année, c’est la même souffrance. Les gens doivent tirer les leçons de nos souffrances pour trouver une solution. C’est lamentable”, s’exclame Aron Madjadoum, un habitant du quatrième arrondissement de Ndjamena, la capitale du Tchad.
Aron habite le quartier Ambatta, sur les berges du fleuve Chari, un cours d’eau qui constitue la frontière avec le Cameroun. C’est une zone très vulnérable aux inondations, en raison des crues du fleuve qui déborde assez rapidement en saison des pluies.
Les experts expliquent que le relief dans la zone est plat, mais légèrement incliné vers la ville, ce qui favorise l’écoulement des eaux vers la zone habitable, couplé à un sol argileux doté d’une capacité d’absorption faible, propice à des inondations.
Ce matin, Aron éprouve des difficultés à se déplacer. Une pluie de moyenne ampleur s’est abattue dans son quartier, et sur 4 kilomètres, la route qui mène à son domicile est impraticable. Il est obligé de garer sa mobylette plus loin, pour faire le trajet à pied.
La situation est similaire dans plusieurs quartiers et villes du Tchad. Le pays fait face à une forte pluviométrie ces dernières années.
Lorsque les mois d’août et septembre pointent à l’horizon, c’est l’inquiétude chez les populations. Cette année, l’Agence Nationale de la Météorologie a annoncé une saison abondante de pluies, « malgré un démarrage tardif ».
Des pluies « excédentaires » d’à peu près 45 % dans plusieurs provinces du pays, par rapport à la moyenne de la période 1991-2020, précise l’agence.
Il a suffi de quelques averses pour que les populations de la capitale tchadienne N’Djamena se retrouvent les pieds dans l’eau dans plusieurs quartiers.
Au-delà de la capitale, plusieurs autres villes et contrées du pays sont concernées, et la période inquiète particulièrement les humanitaires, qui éprouvent des difficultés à acheminer les aides aux personnes nécessiteuses.
« Les routes sablonneuses se gorgent d’eau et empêchent les véhicules d’avancer » explique un responsable des Nations Unies dans le pays, dans un contexte où les réfugiés affluent à cause de la situation tendue au Soudan voisin.
Plantes et habitations emportés
Ces deux dernières années, le Tchad a fait face à des inondations sans précédent. En 2022, quelques 1,3 millions de personnes dans 18 provinces sur les 23 que compte le pays ont été touchées par les inondations, selon la Banque Mondiale, dont plus de 350 mille ont été obligées de quitter leurs foyers, selon les Nations unies.
Quelque un million d’hectares ont été inondés, parmi ceux-ci, 465 000 hectares de champs, soit l’équivalent d’environ 1,150 millions de terrains de football ont été détruits, et plus de 19 000 têtes de bétail emportées.
Un an plus tard, la FAO a observé une légère baisse dans les surfaces cultivables inondées, passant de 465 000 hectares en 2022 à 35 1000 hectares l’année suivante.
Alors que la saison des pluies démarre au Tchad, elle entame le mois le plus prolifique au Niger voisin. Selon le dernier pointage des autorités rendu public le 9 aout, au moins 95 personnes ont été tuées suite à des averses dans plusieurs régions du pays, dont la grande majorité par noyade.
Le 15 aout, l’Agence de presse nigérienne a rapporté le décès d’au moins 54 personnes supplémentaires, emportées par les eaux, alors qu’elles étaient à bord de deux véhicules de transport en commun.
Comme le Tchad, le Niger fait face à des dégâts sans précédent ces deux dernières années. En 2022, 195 personnes ont perdu la vie, contre 59 l’année d’après.
« Le plus étonnant, c’est que ce sont les zones qui avant ne recevaient pas abondamment de pluie, qui en reçoivent maintenant jusqu’à enregistrer des inondations. Les régions inondables dites région du fleuve (Niamey, Dosso et Tillabery) n’ont pas enregistré des cas d’inondations », explique Mariama Soumana, notre correspondante à Niamey.
Depuis le début de la saison des pluies cette année, la région de Tahoua, dans le nord-ouest, est en tête des régions les plus touchées dans le pays, après qu’un fleuve a emporté deux voitures de transport public, tuant 54 personnes les 12 et 13 aout. Elle est suivie par celle de Maradi, dans le sud du pays.
Cette région frontalière à l’État du Borno dans le Nord du Nigéria a, à elle seule, déjà enregistré 14 décès et sinistré 256 ménages, selon la Direction générale de la protection civile du Niger.
Avenirguinee avec BBC