L’éviction du président nigérien, Mohamed Bazoum, par les putschistes que dirige le général Abdourahmane Tchiani, a plongé l’Afrique de l’Ouest dans une crise régionale.
L’arrivée d’une autre junte militaire menace d’aggraver l’instabilité d’une région en proie à l’insécurité et au djihadisme.
Mais les ramifications du coup d’État se font sentir bien plus loin, la communauté internationale étant largement unie pour le condamner. Quels sont donc les principaux acteurs de cette crise et quels en sont les enjeux ?
Le général Abdourahamane Tchiani
Il est le commandant de la garde présidentielle depuis 2011. Ce général âgé de 62 ans est un proche allié de l’ancien président Mahamadou Issoufou. Il s’est autoproclamé chef du nouveau gouvernement militaire du Niger après le coup d’État.
Peu d’informations sont disponibles sur la vie personnelle, l’éducation ou la carrière militaire du général Tchiani. Mais son nom était souvent associé, dans les médias nigériens, à une tentative de coup d’État contre M. Issoufou en 2015. Il a comparu devant un tribunal en 2018 pour nier ces accusations et a été blanchi par la justice nigérienne.
Dans une allocution télévisée, le 2 août , le général Tchiani a déclaré que l’armée ne céderait pas à la pression des chefs d’État de la région visant à rétablir le président Bazoum au pouvoir.
Le président Mohamed Bazoum
Il a prêté serment à la tête du Niger, le 2 avril 2021, en succédant à Mahamadou Issoufou, qui avait dirigé le pays de 2011 à 2021. M. Bazoum est un proche allié des nations occidentales. Son gouvernement a été renversé par des militaires, mercredi 26 juillet.
Les observateurs pensent qu’il est détenu dans sa maison à Niamey, la capitale. Le gouvernement de M. Bazoum s’est associée aux pays européens pour tenter d’endiguer le flux de migrants traversant la mer Méditerranée.
Il a accepté de reprendre des centaines de migrants dans des centres de détention en Libye et a également pris des mesures contre les trafiquants d’êtres humains dans les principaux points de transit situés entre l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique du Nord. Son gouvernement n’étant plus au pouvoir, ces mesures pourraient être remises en question.
L’armée nigérienne
L’armée nigérienne a soutenu l’éviction du gouvernement de Mohamed Bazoum en invoquant la dégradation de la situation sécuritaire et la « mauvaise gouvernance économique et sociale » du pays. Elle a mis en garde contre toute intervention militaire étrangère.
Des officiers supérieurs de l’armée ont créé une junte, le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP). Le chef d’état-major de l’armée nigérienne, Abdou Sidikou Issa, a déclaré que l’armée avait fait allégeance aux forces de défense et de sécurité, qui ont renversé M. Bazoum, afin « d’éviter une confrontation mortelle entre les différentes forces ».
Le mouvement M62
Le groupe de la société civile a commencé à intensifier les manifestations anti-françaises au milieu de l’année 2022, lorsque le gouvernement de M. Bazoum a approuvé le redéploiement de la force française Barkhane au Niger, après que les soldats de la France ont reçu l’ordre de quitter le Mali.
L’armée a dénoncé la mauvaise gouvernance, l’augmentation du coût de la vie et la présence des forces françaises. Les manifestations prévues par le M62 ont été interdites ou violemment réprimées par les autorités nigériennes. Le leader du M62, Abdoulaye Seydou, a été emprisonné pendant neuf mois pour « trouble à l’ordre public ».
Ce mouvement semble remis en selle après l’éviction de M. Bazoum en organisant des manifestations dans la capitale du Niger, Niamey, en guise de soutien au coup d’État.
Les pays voisins
Le Burkina Faso
Ce voisin du Niger a connu deux coups d’État en janvier et septembre 2022. Les militaires qui le dirigent soutiennent que toute intervention militaire contre les putschistes nigériens serait considérée comme une « déclaration de guerre » contre le Burkina Faso.
Les autorités militaires burkinabè ont déclaré qu’elles « refusaient d’appliquer » les « sanctions illégales, illégitimes et inhumaines contre le peuple et les autorités du Niger ». Depuis son coup d’État, le Burkina Faso s’est rapproché de la Russie.
Le Mali
Pays voisin du Niger, le Mali a connu son dernier coup d’État en mai 2021. Son gouvernement militaire a publié une déclaration commune avec le Burkina Faso pour soutenir le coup d’État.
Les dirigeants maliens ont déclaré que toute intervention militaire contre le Niger équivaudrait à une « déclaration de guerre » contre les deux pays et pourrait avoir des « conséquences désastreuses » susceptibles de « déstabiliser toute la région ». Le Mali est soutenu par la Russie et, comme le Burkina Faso, il a noué des liens plus étroits avec le Kremlin depuis son coup d’État.
Le Nigeria
Le nouveau président du Nigeria, Bola Tinubu, est président en exercice de la CEDEAO. Le coup d’État au Niger sera l’un de ses premiers grands défis en matière de politique étrangère. Le Nigeria partage une frontière de 1 500 km avec le Niger, la sécurité des deux pays est donc étroitement liée.
M. Tinubu a participé à une campagne contre le régime militaire au Nigeria dans les années 1980 et se considère comme un démocrate. Wole Ojewale, analyste nigérian de l’Institute for Security Studies, déclare : « Je pense qu’il considère ce [coup d’État] comme un affront à ses références démocratiques, en particulier au moment où il préside la CEDEAO. »
Bola Tinubu a réagi rapidement au coup d’État en organisant un sommet des dirigeants d’Afrique de l’Ouest dans son palais présidentiel. Le Nigeria a coupé son approvisionnement en électricité au Niger en raison des sanctions prises par la CEDEAO.
Le Tchad
Le Tchad n’est pas membre de la CEDEAO, mais son dirigeant, Mahamat Idriss Déby Itno, s’est rendu au Niger pour exhorter la junte militaire à tenir compte de l’ultimatum du bloc régional et à rétablir le président Mohamed Bazoum dans ses fonctions. En tant qu’homme fort de l’armée tchadienne, M. Déby est considéré comme un intermédiaire idéal, capable de nouer des relations avec les putschistes nigériens.
La CEDEAO
L’organisation régionale ouest-africaine a condamné le coup d’État et a donné aux nouveaux chefs militaires du Niger un ultimatum d’une semaine, à compter du 30 juillet, pour rétablir le président Bazoum dans ses fonctions.
Tout manquement à cette injonction provoquerait une réponse militaire, avertit la CEDEAO. Elle a imposé des sanctions contre le Niger, notamment le gel de toutes les transactions financières et des avoirs nationaux.
Abdel-Fatau Musah, commissaire de la CEDEAO chargé des affaires politiques, de la paix et de la sécurité de l’organisation, a déclaré que l’option militaire contre la junte nigérienne serait le « dernier recours ».
Les puissances occidentales
Le groupe Wagner
Le chef du groupe mercenaire russe Wagner, Evgeniy Prigozhin, aurait qualifié l’opération de triomphe. « Ce qui s’est passé au Niger n’est rien d’autre que la lutte du peuple nigérien contre ses colonisateurs », aurait-il déclaré sur une chaîne Telegram affiliée à Wagner, bien que ses propos n’aient pas été vérifiés de manière indépendante.
Les mercenaires de Wagner sont accusés d’exercer une influence néfaste au Niger. Le président Bazoum s’était plaint de « campagnes de désinformation » menées par Wagner contre son gouvernement avant le coup d’État. Mais, selon les États-Unis, rien n’indiquait que les forces de Wagner étaient impliquées dans le coup d’État au Niger.
La Russie
Le Kremlin a déclaré que la situation au Niger était « très préoccupante » et a appelé toutes les parties au conflit à faire preuve de retenue. Selon la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, il est essentiel qu’il y ait « un dialogue national en vue du retour de la paix civile et de l’État de droit » au Niger.
Certains partisans du coup d’État ont été vus en train d’agiter des drapeaux russes aux côtés du drapeau nigérien. Les observateurs occidentaux craignent désormais que les nouveaux dirigeants du Niger ne suivent les traces du Mali et du Burkina Faso en s’éloignant des alliés occidentaux et en se rapprochant de la Russie.
La France
L’ancien colonisateur du Niger maintient jusqu’à 1 500 soldats dans le pays. Il s’est tourné vers le Niger pour y baser l’essentiel de ses forces après les coups d’État au Mali et au Burkina Faso. La France a fermement condamné le coup d’État.
Le ministère français des Affaires étrangères a déclaré que le président Mohamed Bazoum était le seul dirigeant du Niger et qu’il ne reconnaissait pas les nouveaux putschistes.
Il ajoute que la France « réaffirme avec la plus grande fermeté les exigences claires de la communauté internationale, qui demande le rétablissement immédiat de l’ordre constitutionnel et du gouvernement civil démocratiquement élu au Niger ».
Le ministre français de la Défense, Sébastien Lecornu, a déclaré que plus de 1 000 Français et autres Européens avaient été évacués du Niger.
Les États-Unis
Le gouvernement américain a fermement condamné le coup d’État au Niger, le secrétaire d’État, Anthony Blinken, appelant à la libération immédiate du président nigérien.
Les États-Unis ont environ 1 000 soldats au Niger et y maintiennent des forces depuis 2013 pour soutenir les efforts de lutte contre le terrorisme. Ils disposent d’une base aérienne à l’extérieur de la ville d’Agadez, où ils mènent des opérations de drones. Agadez se trouve à plus de 800 km de Niamey, la capitale du Niger. Les États-Unis ont ordonné l’évacuation partielle de leur ambassade au Niger.
L’Allemagne
L’Allemagne possède une école de défense à Niamey, la capitale du Niger. Elle a suspendu toutes les aides financières directes dont bénéficiait le Niger, jusqu’à nouvel ordre.
L’Allemagne a également prévenu que d’autres mesures pourraient être prises en fonction de l’évolution de la crise. Le ministère allemand des Affaires étrangères a déclaré qu’il suivait les événements au Niger avec une « très grande inquiétude ».
La Turquie
Depuis qu’elle a établi des relations diplomatiques avec le Niger en 1967, la Turquie a progressivement renforcé ses liens avec ce pays. Le ministère turc des Affaires étrangères affirme que depuis l’ouverture d’une ambassade turque à Niamey, la capitale du Niger, 29 accords bilatéraux ont été signés, la valeur des échanges atteignant 72 millions de dollars US en 2019.
Les organisations internationales
L’Union africaine, l’UE et les Nations unies ont toutes condamné le coup d’État. L’Union africaine a demandé aux putschistes de regagner leurs casernes dans un délai de quinze jours, tandis que l’Union européenne a suspendu toutes ses opérations de sécurité dans le pays.
Le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a exprimé sa solidarité avec le président déchu, Mohamed Bazoum, et a demandé aux nouveaux chefs militaires du Niger de le libérer sans condition.
AVEC BBC