En Guinée, les pratiques douteuses de certains acteurs politiques continuent de miner la crédibilité des institutions. Le Conseil National de la Transition (CNT), organe censé représenter les aspirations du peuple et garantir une transition politique transparente, semble aujourd’hui s’engager dans une opération aux allures de dilapidation des fonds publics sous couvert de la “vulgarisation” de l’avant-projet de la nouvelle constitution. Alors que cet avant-projet est déjà bien connu du public grâce à des initiatives antérieures, pourquoi mobiliser plus de 140 agents pour une campagne qui frôle le gaspillage ? Il est temps de poser des questions sérieuses sur la gestion des ressources et sur la sincérité des démarches de vulgarisation du CNT.
Un projet coûteux pour une mission déjà accomplie ?
L’avant-projet de la constitution est loin d’être un document obscur ou méconnu par la population guinéenne. Au cours des derniers mois, il a déjà été exposé au public à travers de nombreuses consultations et discussions, que ce soit dans les médias, dans des assemblées populaires ou via des réseaux sociaux. Le CNT, en mobilisant une armée d’agents pour répéter une mission déjà menée, semble vouloir jouer la carte de la surenchère et de l’inefficacité. Si l’objectif est de faire connaître ce texte, pourquoi ne pas former des ONG locales, présentes et bien implantées dans les préfectures, qui connaissent les réalités de terrain et pourraient assurer un travail de proximité à moindre coût ?
Une stratégie de fin d’année pour dépenser ?
La période choisie pour cette opération est également suspecte. À l’approche de la fin de l’année, certaines institutions publiques font pression pour dépenser leurs budgets restants, sous peine de voir ces montants réduits dans les exercices suivants. Ne serait-ce pas là une manœuvre du CNT pour justifier des dépenses, au lieu de se concentrer sur des priorités réelles ? Cette opération ressemble dangereusement à une tentative de vider les caisses sous prétexte de sensibilisation. Il est inacceptable que le CNT utilise des fonds publics sans transparence, surtout dans une période où la Guinée fait face à des défis économiques et sociaux majeurs qui nécessitent une allocation prudente des ressources.
Une gestion opaque des fonds publics : combien cela coûte-t-il au contribuable ?
Un point particulièrement alarmant dans cette affaire est le flou qui entoure le montant alloué à cette campagne. Les citoyens guinéens, dont l’argent finance cette opération, n’ont toujours aucune information sur le coût de cette mission de vulgarisation. Les fonds publics devraient être gérés avec transparence, d’autant plus lorsque l’objectif réel de l’opération est contestable. En dépit des appels répétés pour une transparence accrue, le CNT semble peu disposé à dévoiler le montant engagé pour une tâche que beaucoup considèrent comme superflue. Pourquoi ce manque de transparence ? Quels intérêts sont réellement servis ?
Les ONG locales : un choix évident et négligé
La Guinée compte de nombreuses organisations locales qui œuvrent quotidiennement pour le développement de leurs communautés. Ces ONG, déjà présentes sur le terrain, auraient pu être des partenaires de choix dans la diffusion de ce projet constitutionnel. Elles connaissent les réalités et les besoins des populations mieux que quiconque et bénéficient de la confiance des habitants. Pourquoi le CNT n’a-t-il pas fait appel à ces structures ? Ne serait-il pas plus efficace et moins coûteux de mobiliser ces acteurs de terrain, au lieu de déployer une logistique lourde et coûteuse ? Cette omission soulève des doutes sur les intentions réelles du CNT, qui pourrait bien privilégier des intérêts particuliers au détriment de l’efficacité et de l’économie.
Une mission de vulgarisation ou une opération d’auto-promotion ?
Il est légitime de se demander si cette initiative n’est pas une tentative pour le CNT de soigner son image en se montrant actif, quitte à sacrifier l’intérêt public. Envoyer des agents dans les zones éloignées avec des frais de mission conséquents pourrait bien n’être qu’une manière d’augmenter le prestige de certains membres du CNT et de leur président, Dansa Kourouma. En fin de compte, le peuple guinéen se retrouve à financer une opération qui, sous couvert de sensibilisation, pourrait n’avoir d’autre but que de valoriser le CNT lui-même, sans apporter de réelle plus-value aux citoyens.
Des choix de priorités douteux dans un contexte difficile
La Guinée traverse une période de défis économiques et sociaux sans précédent. Plutôt que de s’engager dans des dépenses superflues, le CNT devrait concentrer ses ressources sur des initiatives qui répondent aux priorités réelles du pays. Comment justifier ces dépenses alors que des secteurs vitaux, comme l’éducation, la santé, ou les infrastructures de base, sont encore en difficulté ? Cette opération de “vulgarisation” apparaît comme une distraction coûteuse qui ne fait qu’accentuer les frustrations de la population.
Le peuple guinéen mérite un CNT qui travaille en toute transparence et dans son intérêt. Il est urgent que le Conseil rende des comptes sur l’allocation des ressources et privilégie des approches véritablement efficaces et économes. Si le CNT veut vraiment honorer sa mission de transition, il doit cesser ces opérations douteuses et montrer l’exemple en matière de gestion rigoureuse des fonds publics. La Guinée ne peut se permettre des institutions qui consomment les ressources publiques sans se soucier des vraies priorités.
Mohamed Cissé