C’est l’une des rares décisions prises durant ces dernières décennies en Guinée. Le jeune Badra Koné, jusque-là vice maire de la commune de Matam, a décidé le 16 novembre dernier, de quitter ses fonctions. Le leader du parti « Nouvelle Génération Politique » (NGP), contrairement à ses pairs conseillers, estime qu’il n’est plus légitime au-delà du mandat que les citoyens de Matam lui ont accordé.
Pour parler de cette décision qui sort de l’ordinaire, et de ses ambitions, l’ex-allié de l’UFR s’est prêté aux questions d’avenirguinee.org ce lundi 20 novembre. Interview…
Avenirguinee : de prime abord, dites-nous les motivations de votre décision de quitter vos fonctions de vice-maire de Matam.
De 2018 à 2023, nous avons fait 5 ans à notre poste. Le contrat social que nous avons eu avec les citoyens de Matam, demande de faire 5 ans. Donc, si les 5 ans sont arrivés à termes, en tant que démocrate et républicain, je prends la responsabilité de partir. Je pars parce que mon mandat ne va pas se renouveler par une élection, la période ne le permet pas. Comme cela n’est pas possible, j’attends l’occasion d’une autre élection pour me présenter pour briguer la tête de la Mairie.
Avant de prendre cette décision, avez-vous eu des discussions avec vos collègues conseillers et le maire ?
Ismael Condé que je salue en passant, a été informé de ma décision de partir il y a six (6) mois avec madame la gouverneure de la ville de Conakry. Il y a deux mois, à l’occasion d’une session, j’ai informé tous les conseillers présents dans la salle. Il y avait 30 et quelques conseillers ce jour, j’ai informé officiellement que je ne passerai pas un seul jour de plus des 5 ans. A l’occasion d’une rencontre aussi il y a quelques jours, j’ai informé les 24 chefs de quartiers de Matam et toute l’administration communale. Je pense que j’ai largement communiqué le bien-fondé de mon départ qui était le simple fait que le mandat est fini et qu’il faut partir.
De l’annonce de votre départ à la conférence de presse que vous avez animée, il y a eu quand même beaucoup de jours. Entre-temps, est-ce que vous avez été approché par une quelconque autorité pour surseoir à cette démarche ?
Je n’ai fait qu’informer les gens de l’intention que j’avais, autour de laquelle j’avais discuté avec la direction de mon parti et avec beaucoup de citoyens de Matam. Est- ce que nous avons les mêmes objectifs ? je ne crois pas. De 37 conseillers, je suis le seul président de parti politique. Je suis le seul qui a présenté une liste indépendante à l’occasion des élections de 2018, il ne faut pas l’oublier. Les autres sont des représentants de partis politiques. Est-ce qu’ils vont décider d’eux-mêmes sans consulter leurs partis, c’est une interrogation à se faire. Le respect des principes démocratiques est au cœur de mes actions. J’ai fait ça pour des raisons très démocratiques… J’ai montré une leçon de démocratie, je l’ai fait pour interpeller tout le monde sur le fait que le respect des engagements est une chose très importante dans une société.
Pourquoi selon vous le ministre de l’administration du territoire et de la décentralisation n’a pas pris un acte pour installer les délégations spéciales à la tête de ces mairies, ou prolonger leur mandat ?
C’est à lui qu’il faut poser cette question. Moi j’ai pris mes responsabilités, le ministre aussi a les siennes. Le ministre est tout petit dans ma décision. C’est une décision de dignité, de personnalité, de redevabilité, cela est au-dessus de la personne du ministre. Ce que j’ai fait est un acte pour interpeller tout le peuple de Guinée sur le fait que nos dirigeants doivent être conséquents. Quand tu t’engages, tu respectes ton engagement.
Vous apparteniez à une équipe qui a dirigé la commune de Matam pendant 5 ans, quelle perception avez-vous de votre bilan ?
L’article 147 du code des collectivités locales demande aux maires de déléguer certains pouvoirs à ses adjoints. À l’occasion de notre installation, nous avons bénéficié de la confiance du maire d’alors, qui m’a confié la commission d’assainissement. À Matam, au moment où on venait, il n’y avait aucune organisation d’assainissement mise en place. Il y avait un service quasi-inexistant. Voilà ce qu’on a fait : on a posé le diagnostic, ça nous a amené à mettre en place un comité technique de réflexion qui a fait qu’on a subdivisé Matam en cinq (5) zones afin de faire de Matam, une commune où on amène les citoyens à s’abonner aux PME (…). Au début, on était dans la sensibilisation des citoyens, mais aujourd’hui, on oblige les citoyens à s’abonner. Cela est visible à Matam. Il y a plus de saletés qu’on voyait tout le temps. Le 16 novembre quand je quittais, j’ai laissé les camions au nom de Matam, j’ai laissé une machine traquet pèle au nom de Matam, on a laissé des outillages remplis dans un conteneur 20 pieds pour Matam, on avait déjà réalisé deux zones de tri et de transfère à la carrière et à Matam-centre. Le troisième devrait se réaliser dans la zone de Mafanco. Ce sont des actions qui sont visibles, palpables ; ce sont des résultats qui me rendent fier d’avoir servi cette commune.
Vous avez laissé combien dans les caisses de la commune de Matam ?
Ça, je ne peux pas vous le dire. La gestion des communes est très différente de la gestion d’une direction. À Matam, nous avons un conseil délibérant et un bureau exécutif. Il est donné au maire la latitude de signer. Nous autres sommes autour du maire. C’est lui qui sait certaines informations, qui les met à la disposition de nous autres. À part la période des conseils communaux, on ne peut pas aller fouiner au-delà de notre responsabilité.
Vous voulez revenir encore mais cette fois-ci en tant que maire. Cependant, est-ce que le fait que vous soyez vice maire et que toutes les attentes n’ont pas été réalisées, n’impacte pas votre électorat dans la commune de Matam ?
Dieu a donné la chance à Badra d’aller relever un défi. Celui de faire en sorte qu’on croit en sa personnalité. Et, aujourd’hui, mon passage à la mairie a permis que les citoyens de Matam se décident pour dire « oui, c’est lui le choix, c’est lui qui pourra nous aider ». Ça, je peux vous le garantir.
Est-ce que vous êtes satisfait de votre collaboration avec le maire Ismaël Condé ?
C’est l’une de mes meilleures collaborations. Vous connaissez Badra, je ne suis pas quelqu’un qui se laisse faire. Le maire et moi avons eu une collaboration très humble et étroite. C’est quelqu’un pour qui j’ai du respect et qui a aussi du respect pour moi. On a travaillé sincèrement.
Est-ce qu’aujourd’hui, le fait que les maires continuent de rester alors que leur mandat a pris fin, indique clairement qu’ils ne représentent plus les citoyens de leurs localités ?
A partir du moment où le mandat est fini, la légitimité est terminée. Ils sont aujourd’hui des représentants de l’Etat, pas des citoyens. Ils ne sont plus les représentants du peuple, il faut dire cette vérité. Cette précision est très importante.
Merci Badra Koné.
Merci à vous
Mohamed Cissé