La Guinée, souvent surnommée le « château d’eau de l’Afrique de l’Ouest », est un pays béni par une pluviométrie abondante, avec six mois de précipitations annuelles. Cette générosité naturelle devrait théoriquement garantir un accès facile à l’eau, ressource essentielle à la vie. Toutefois, un paradoxe troublant émerge : alors que l’eau jaillit en abondance dans la nature, elle demeure difficilement accessible dans les foyers guinéens.
Conakry, la capitale du pays, incarne ce paradoxe de manière alarmante. Ville où modernité et tradition cohabitent, elle se trouve pourtant aux prises avec une crise aiguë de l’eau potable. Comment une ville, qui aspire à la modernité, peut-elle encore se retrouver confrontée à un tel manque d’accès à l’eau ? La réponse réside en grande partie dans l’état vétuste des infrastructures hydrauliques, inadéquates pour répondre aux besoins croissants d’une population en pleine expansion. De nombreux quartiers de la capitale sont régulièrement plongés dans une pénurie d’eau, forçant les habitants à chercher désespérément des solutions alternatives pour subvenir à leurs besoins quotidiens.
Dans ce contexte, où l’eau est devenue un enjeu majeur de santé publique et de développement durable, il est impératif que les autorités guinéennes prennent des mesures concrètes et urgentes. L’eau n’est pas simplement une ressource naturelle, elle constitue un droit fondamental, qui doit être garanti à chaque citoyen. Pourtant, en l’absence d’une gestion adéquate par l’État, ce sont les propriétaires de forages privés qui se sont substitués aux autorités pour pallier les défaillances du système public. Cependant, ces forages, qui fonctionnent grâce à l’électricité, sont vulnérables aux fréquentes coupures d’électricité, un phénomène courant en Guinée. Lorsque ces interruptions se prolongent, les réservoirs se vident rapidement, plongeant la population dans une crise d’eau sans précédent.
Dans une capitale moderne, où chacun devrait avoir accès à l’eau courante, il est inadmissible que les habitants soient contraints de se battre, comme sur un champ de bataille, pour obtenir de l’eau. Il n’est pas rare que des familles soient obligées de rationner l’eau ou même de la réutiliser, ce qui ouvre la porte à la propagation de maladies hydriques. Les récipients utilisés pour stocker cette eau deviennent souvent des foyers de prolifération d’algues et de microbes, exacerbant les risques sanitaires.
Il existe aujourd’hui en Guinée toute une génération qui n’a jamais vu une facture de la Société d’exploitation des eaux de Guinée (SEEG), tant l’approvisionnement en eau est absent de certaines zones. L’urbanisation anarchique, marquée par la création de quartiers sans plan directeur, rend aujourd’hui impossible l’installation de conduites d’eau dans certaines zones de la capitale. Cette situation illustre l’incapacité des autorités à planifier et à gérer efficacement l’urbanisation du pays.
Parallèlement, chaque quartier, voire chaque foyer, est désormais desservi par une multitude de sociétés informelles de commercialisation d’eau en sachet. Ces sachets, omniprésents à chaque coin de rue, échappent souvent à tout contrôle de qualité par les autorités, entraînant une pollution massive. En conséquence, les sachets en plastique, non biodégradables, constituent une part importante des déchets ménagers, accentuant la dégradation de l’environnement.
Dans un monde où les préoccupations écologiques sont au cœur des politiques publiques, il est inconcevable que la Guinée devienne une véritable poubelle à ciel ouvert pour les plastiques. Comment peut-on parler de santé publique et de développement sans un accès généralisé à l’eau potable ? Un pays qui, après plus d’un demi-siècle d’indépendance, n’a pas su doter sa capitale d’infrastructures hydrauliques adéquates, ne peut espérer améliorer la vie de ses citoyens. Le développement repose avant tout sur la capacité à fournir à la population une eau potable de qualité. Sans un tel accès, et sans un système d’assainissement efficace, tout projet de développement est voué à l’échec.
Abdoulaye DABO