La transition actuelle en Guinée marque un tournant sans précédent dans les rapports entre les autorités et la classe politique. Autrefois influents et en position de force sous l’ère de l’ancien président déchu, les partis politiques guinéens se retrouvent désormais affaiblis et mis à l’épreuve par la junte au pouvoir. Cette reconfiguration s’illustre par l’évaluation approfondie menée par le ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation (MATD), dont le rapport révèle un paysage politique guinéen en pleine déroute, largement en décalage avec les exigences de la charte des partis politiques.
L’audit du MATD, qui a passé au crible la quasi-totalité des formations politiques du pays, a entraîné la dissolution de près de cinquante partis, tandis que d’autres, y compris des piliers de la scène politique tels que le RPG-Arc-En-Ciel, l’UFDG, et l’UFR, se voient placés sous une surveillance étroite. Ces partis, autrefois intouchables, risquent aujourd’hui une dissolution pure et simple, dans un contexte où ils peinent à démontrer leur conformité aux normes régissant leur existence.
Une remise en cause des partis au profit du CNRD ?
Cette offensive de la junte, incarnée par le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD), redéfinit les équilibres de pouvoir en Guinée. En démystifiant les partis politiques, la junte ne cherche pas uniquement à affirmer son autorité ; elle s’applique aussi à envoyer un message au peuple. Celui-ci est ainsi invité à remettre en question la probité de formations politiques qui, bien que prétendant défendre les intérêts de la nation, peinent à respecter les fondements légaux de leur existence. Par cette démarche, le CNRD se positionne en garant de l’ordre et de la transparence, tentant d’incarner une force de régulation dans un système qui, jusqu’alors, protégeait les élites politiques.
Cette stratégie trouve son point d’orgue dans la rencontre présidée ce mardi par le ministre de l’Administration du Territoire. En conviant ces partis à son département, il pose un acte symbolique fort, réaffirmant son autorité et sa capacité à dicter les règles du jeu politique. Ce geste s’inscrit dans une volonté claire d’imposer la suprématie de l’État et de rappeler que le paysage politique n’est plus sous l’emprise de ses traditionnels acteurs.
Une stratégie face à la contestation du calendrier électoral
Cette manœuvre survient dans un contexte délicat, alors que plusieurs formations politiques menaçaient d’organiser des manifestations pour dénoncer le report du calendrier électoral. À l’approche de décembre, période au cours de laquelle des échéances électorales devaient initialement se tenir, les partis d’opposition se retrouvent acculés, étroitement contrôlés par un MATD qui dispose désormais de moyens de pression significatifs. Cette mise sous tutelle des partis semble donc être, pour le CNRD, une manière habile de neutraliser toute velléité de contestation, tout en renforçant son propre contrôle sur l’arène politique.
En opérant un nettoyage de la sphère politique, la junte guinéenne marque de son empreinte la transition en cours et redéfinit les contours du jeu démocratique en Guinée. Loin d’être une simple démarche administrative, cette évaluation du MATD constitue un message fort envoyé à l’ensemble de la classe politique et au peuple guinéen. À travers cette approche, le CNRD se positionne comme l’arbitre d’une scène politique en pleine mutation, où les partis, naguère puissants, se retrouvent désormais fragilisés, voire marginalisés.
Mohamed Cissé