Le président bissau-guinéen a dénoncé samedi une « tentative de coup d’Etat » qui aura « de lourdes conséquences » après des affrontements entre l’armée et des éléments des forces de sécurité qui ont fait au moins deux morts.
« J’étais à Dubaï où j’ai pris part à la COP 28. Je ne pouvais pas rentrer à cause de la tentative de coup d’Etat. Je tiens à vous dire que cet acte aura des conséquences graves », a déclaré à son retour à Bissau le président Umaro Sissoco Embalo.
La Guinée-Bissau souffre d’une instabilité politique chronique, et a connu depuis son indépendance du Portugal en 1974 une kyrielle de coups de force, le dernier en février 2022.
L’Afrique de l’Ouest est aussi marquée depuis 2020 par la multiplication des coups d’Etat, au Mali, au Burkina Faso, au Niger et en Guinée, ou par des tentatives, comme il y a une semaine en Sierra Leone.
Des affrontements entre les éléments de la Garde nationale, retranchés dans une caserne du sud de la capitale Bissau, et les forces spéciales de la Garde présidentielle, ont éclaté la nuit de jeudi à vendredi, faisant au moins deux morts et six blessés.
Le calme est revenu vendredi en milieu de matinée avec l’annonce de la capture ou la reddition du commandant de la Garde nationale, le colonel Victor Tchongo.
Samedi, le dispositif sécuritaire a été allégé à Bissau, mais des militaires étaient toujours visibles autour de certains édifices stratégiques comme le palais présidentiel, la direction de la police judiciaire et certains ministères, a constaté un correspondant de l’AFP.
« Il y avait des indices, nous allons vous les montrer. Ce coup d’Etat a été préparé avant le 16 novembre (date des célébrations du 50e anniversaire des forces armées) », a dit le président Embalo, qui dirige le pays depuis 2020, devant la presse, dans un salon de l’aéroport de Bissau.
Il a annoncé qu’une commission d’enquête sera constituée lundi et remercié les forces armées pour leur loyauté.
« On n’organise pas un coup d’Etat contre le président de l’Assemblée nationale, encore moins contre un Premier ministre, mais contre le président de la République commandant en chef des armées », a-t-il asséné.
Condamnations internationales
Certains officiers et soldats de la garde nationale se sont dispersés à l’intérieur du pays, a indiqué samedi un communiqué de l’armée bissau-guinéenne sans préciser leur nombre. « L’Etat-major général des forces armées les informe par la présente qu’ils doivent rejoindre leur lieu d’affectation », poursuit-il.
La Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), dans un communiqué publié samedi, « condamne fermement les violences et toutes les tentatives visant à perturber l’ordre constitutionnel et l’État de droit en Guinée-Bissau », appelant « à l’arrestation et à la poursuite des auteurs de l’incident ».
Elle « exprime son entière solidarité avec le peuple et les autorités constitutionnelles de la Guinée-Bissau ».
Vendredi, l’ONU avait appelé au respect de l’Etat de droit et exhorté les membres des forces de sécurité et des forces armées « à continuer de s’abstenir de toute ingérence dans la politique nationale ».
Les éléments de la Garde nationale ont fait irruption jeudi soir dans les locaux de la police judiciaire pour en extraire le ministre de l’Économie et des Finances, Souleiman Seidi, et le secrétaire d’Etat au Trésor public, Antonio Monteiro.
Affaire judiciaire
Les deux membres du gouvernement étaient interrogés par la police judiciaire, sur instruction du procureur général nommé par le président, à propos d’un retrait de 10 millions de dollars (9,1 M EUR) des caisses de l’Etat.
La Garde nationale répond, elle, essentiellement du ministère de l’Intérieur, dominé – comme les principaux ministères – par le parti historique PAIGC après la victoire de la coalition qu’il menait aux législatives en juin 2023.
Les deux membres du gouvernement ont été récupérés sains et saufs. Ils ont à nouveau été placés en détention.
« Nous avons toujours opté pour l’application de la loi. Un président qui est élu doit terminer son mandat », a déclaré samedi le porte-parole du gouvernement Francisco Muniro Conte, du PAIGC.
« Nous ne pouvons pas faire obstruction pour des gens qui font face à la justice, si réellement la loi est respectée », a-t-il ajouté.
AVEC VOAFRIQUE