Longtemps considérée comme un élément indispensable du quotidien guinéen, la natte traditionnelle, prisée pour sa fraîcheur et son utilité, a progressivement cédé la place aux matelas modernes et aux moquettes, que ce soit dans les maisons ou les mosquées. Pourtant, cet objet symbolique, étroitement lié à l’histoire et à la culture du pays, conserve encore des adeptes.
Ce jeudi 5 décembre, notre rédaction est allée à la rencontre de Mamadou Saidou Diallo, un vendeur de nattes expérimenté, qui a débuté cette activité en 1958, à l’époque du président Ahmed Sékou Touré.
Mamadou Saidou Diallo est l’un des rares commerçants encore dévoués à la vente de nattes. « Moi, je suis dans la vente des nattes depuis 1958. Oui, c’est vrai que j’ai mélangé avec d’autres activités, mais c’est mon premier et dernier métier. Avant, je fabriquais et revendais dans mon village. Mais quand je suis venu à Conakry, j’ai commencé à acheter auprès des fabricants pour revendre ici », raconte-t-il.
À l’époque, les nattes étaient omniprésentes : sur les lits traditionnels, dans les chambres des jeunes et comme tapis dans les mosquées. « Même les grandes mosquées de Conakry me sollicitaient pour les fournir. C’est grâce à ce métier que j’ai pu construire, scolariser mes enfants et subvenir aux besoins de ma famille », confie le commerçant avec fierté.
Cependant, l’essor des matelas modernes et des moquettes a changé la donne. « Depuis l’apparition des matelas modernes, les gens n’utilisent plus les nattes. Ces matelas, bien qu’inconfortables en raison de leur chaleur et souvent responsables des infestations de punaises, restent le choix préféré des consommateurs. Les rares clients que je vois aujourd’hui sont ceux qui se marient. La modernisation nous a fait perdre une partie de notre culture », déplore Mamadou Saidou Diallo.
Il souligne également un autre problème : l’impact économique. « Si vous achetez un matelas moderne, l’argent va chez les Chinois. Mais en achetant une natte chez nous, l’argent reste ici en Guinée. Nous sommes en train d’enrichir les Chinois tout en appauvrissant notre propre population », explique-t-il, appelant à une prise de conscience collective.
Face à ce déclin, Mamadou Saidou Diallo lance un appel au peuple guinéen : « Je demande aux Guinéens de ne jamais abandonner notre culture ni oublier nos origines. Les nattes sont plus qu’un simple objet ; elles racontent une partie de notre histoire. Nous devons les utiliser pour rappeler aux nouvelles générations ce que nos parents utilisaient. »
Malgré les difficultés, le vendeur reste attaché à son métier. Il continue d’acheter des nattes auprès des fabricants en milieu rural et les revend en ville, bien que les ventes soient désormais rares en semaine. « Aujourd’hui, ce sont les week-ends que je vois des clients, principalement pour des mariages. Mais je persiste, car c’est une activité qui a façonné ma vie. »
Alors que la modernisation impose de nouveaux modes de vie, la préservation de la natte traditionnelle reste un enjeu culturel. Ce simple objet, témoin d’un mode de vie ancestral, mérite d’être redécouvert et valorisé pour les générations futures.
Ibrahima Sory Camara pour AvenirGuinee.org
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