C’est une affaire scandaleuse qui brûle les lèvres à la direction communale de l’éducation de Matoto. Une mafia de haute gamme, opérant dans la vente des livrets scolaires, des livres, des craies, des tenues, devant être gratuitement distribués aux élèves et encadreurs dans les différents établissements de la commune, a été décelée.
Ce réseau, d’après nos premières infos, serait dirigé par là une dame du nom de Mamadou Binta Diallo, magasinière à la DCE de Matoto. Et, c’est elle qui a été conduite en prison suite à une plainte du directeur communal de l’éducation de Matoto, Kenda Bailo Diallo. Elle y a passé trois jours avant d’être libérée. Selon l’accusée (Binta), ce réseau est mené par un clan au sommet de la DCE ». Et, puisque la situation serait en train de mal tourner, le chef de la bande veut lui faire porter le chapeau, toute seule.
Mais, en réalité, qu’est-ce qui s’est réellement passé ? Comment ce réseau a-t-il été mis en place ? qui est au summum de ce business ?
Après sa sortie des geôles de la police de proximité près de la mairie de Matoto, la rédaction d’avenirguinee.org a joint la mise en cause qui a bel et bien accepté de donner les non-dits de cette affaire qui, à l’en croire, implique la première autorité communale de l’éducation de Matoto.
Ce lundi, dame Mamadou Binta Diallo a fait de graves révélations autour du sujet de vente des documents destinés aux apprenants. Un exercice pratique auquel elle s’est livrée sur la demande du « DCE de Matoto ».
Selon elle, tout a commencé après la nomination du tout nouveau DCE de Matoto, Kenda Bailo Diallo. En ce moment, a-t-elle dit, « j’étais en déplacement ». Au retour, elle affirme avoir rencontré le promu pour les salutations et lui faire part de sa volonté de quitter la DCE de Matoto pour des raisons « personnelles » liées à sa difficile intégration dans le service et ses relations tendues avec le SAF. Et, indique Madame Binta, le DCE l’en a dissuadée.
A l’occasion d’une autre entrevue, un tête-à-tête qu’elle dit avoir eu avec le Directeur communal de l’éducation, ce dernier lui aurait dit ceci : « j’ai appris qu’il y a l’argent à la DCE de Matoto mais, moi je n’en vois pas ». Une communication à la suite de laquelle la mise en cause a répliqué en ces termes : « ne vous pressez pas ». Ce qui lui aurait valu quelques flatteries de la part du DCE qui aurait laissé entendre à la dame Mamadou Binta « vous (Konaté et Binta) êtes transparents ».
Mais, en vrai, après ces moments de bonne humeur et de communication fructueuse entre les deux personnes, notre interlocutrice nous apprend que le DCE a été informé d’une habitude de vente de documents scolaires. Une mafia de haute gamme qui a précédé son arrivée à la tête de Matoto. A en croire dame Binta, il s’agit de l’affaire de sa collègue (Rama) qui, sous le règne de K au carré, avait été appréhendée avec deux camionnettes de livres qu’elle cherchait à revendre. Après plusieurs cris autour, cette dernière n’aurait pas été sanctionnée ; elle a plutôt bénéficié d’un rétablissement de sa hiérarchie par le biais de l’inspectrice régionale de l’éducation (IRE-Conakry), Madame Léontine. Etant informé de cette façon de procéder, le nouvel homme fort de la DCE aurait fait appel à la magasinière de la dame Binta.
« M. le DCE, connaissant qu’il y a la possibilité de vendre ces outils-là par le canal du problème de Mme Rama, m’a demandé de voir la situation des livrets parce que les livrets ne sont pas tellement utilisés dans les écoles. Matoto, seul en ce moment, devait recevoir plus de 40.000 livrets. Mais, comme un même livret peut être utilisé de la 1ère année jusqu’à l’université, c’est rare qu’un élève en change, j’ai dit d’accord. Parce que quand c’est ton chef qui te dit de faire quelque chose, il est difficile de refuser », a-t-elle expliqué.
Et de poursuivre : « Maintenant, quand je me suis intéressée à la situation, je suis allée à Madina, j’ai vérifié. J’ai payé deux livrets : j’ai constaté qu’il y en avait un au marché qui était fabriqué par un commerçant et le second, c’est ce que l’État envoie dans les écoles.
Je suis allée chez lui la nuit, après 19h. Je lui ai dit »je suis venue pour qu’on se voie. Quand j’ai sorti les 2 livrets du marché, il m’a dit »Madame, allons dehors ». On est sortis derrière la cour et il m’a dit : ‘’vous savez, je ne veux pas parler de mes affaires devant ma femme’’. Je lui ai présenté mes excuses. On a parlé et on s’est entendus de placer ces choses-là pourvu qu’on ait un peu d’argent. Je suis retournée chez moi et je suis passée à l’acte. Quelques jours après, je l’ai appelé et je lui ai dit que je voulais passer à la maison. Il m’a dit que je pouvais. Je suis arrivée aussi après 19h. Arrivée, je lui ai fait le compte-rendu au même endroit, derrière la cour. Il était en culotte avec un débardeur. Je lui ai dit que j’avais dix millions (10.000.000) GNF pour lui. Il me dit : ‘’ vous les avez ici ? » j’ai dit non. Comme c’est la nuit, pour une question de sécurité, je n’ai pas amené. Il m’a instruit d’amener l’argent le lendemain à son bureau. Et, il m’a dit par la suite ‘’n’oubliez pas que c’est demain le cachetage des livres ». J’ai dit d’accord. Ça, c’était toujours à Simbaya. Tout cela est arrivé après le problème de ma collègue Rama…Le nouveau DCE qui a quitté une école pour être nommé à ce poste ne pouvait pas savoir qu’on vendait ces livres.
Le jour arrivé, je suis venu au centre de cachetage avec l’argent dans mon sac. J’étais avec M. Ousmane Sow de Tougué. Et, c’est même monsieur Sow qui est allé dire au DCE que moi je suis en train de construire. Et, ce M. Sow est le deuxième témoin de l’achat de mon terrain que j’ai commencé il y a huit (8) mois. La dame qui m’a vendu le terrain est encore vivante. Et, 75% de l’argent déboursé pour l’achat de ce terrain provident de marchandise (habits, wax) et le chantier est à Bawa.
J’ai parlé à Sow parce qu’il était aussi un magasinier. Il a détourné un camion de savon au temps d’Ebola, c’est pourquoi il a été démis de ses fonctions de magasinier. C’est ce qui lui a permis (le détournement) de construire sa maison à Coyah.
C’est ce Sow là que le DCE a envoyé dans son bureau pour lui donner des détails sur moi. Et pourtant il m’a dit beaucoup car, il m’a dit que c’est au temps de feu K au carré qu’il a détourné ce camion. Il m’avait même dit qu’il a eu de la chance. Car, lorsqu’il a détourné le camion et a vendu le savon, Rama avait nié car c’était leur marché à deux. Et, c’est Sow qui avait conduit le camion à Madina… C’est ce Sow qui m’a expliqué ça. Après, je l’ai quitté parce que j’avais un rendez-vous avec le DCE », a narré Dame Binta.
Pour répondre présent au rendez-vous du DCE, notre interlocutrice affirme qu’elle était venue avec la part du gâteau de ce dernier. Le fruit de leur corruption : 10.000.000 GNF comme prévu la veille. Content de la recevoir, ce dernier aurait souhaité que cela soit leur secret. Un souhait que notre interviewée dit avoir accepté en prévenant « Si tu parles, je vais parler ».
« J’ai pris un taxi motard mais avant de bouger, j’ai appelé le DCE pour lui dire que je venais avec l’argent. Il m’a dit de venir au bureau et de rentrer par la petite porte. Je suis arrivée dans son bureau, il m’a ordonné de fermer la porte, je l’ai fermée. J’ai soutiré l’argent dans mon sac et je le lui ai remis. Il l’a pris et mis dans un sac et placé dans un tiroir. Il a quitté sa place et est venu auprès de là où j’étais assise pour me dire : ‘’ Madame, que cela reste entre nous’’. Je lui ai dit que sauf si lui il trahit notre accord, pas moi. Mais, je l’ ai prévenu : si tu parles, je vais parler. C’est avec ces propos que je l’ai quitté pour rentrer au centre de cachetage.
On y est resté pendant 21 jours. Il m’a appelé pour me dire d’aller vite à son bureau. J’avais un programme mais, je suis allée et je ne suis pas directement rentrée dans son bureau. Je suis allée dans un autre bureau où j’ai trouvé le SAF, paniqué en train de réunir de l’argent. Il a réussi à mobiliser 10 millions de francs guinéens. Ça m’a tiquée. Il a mis l’argent dans un sachet différent de celui dans lequel j’ai envoyé l’argent et l’a déposé chez le DCE. L’argent n’était pas éparpillé en billets, c’était des billets de 20 mille .
Quelques minutes après, on m’appelle Mme Ana aussi (la directrice des ressources humaines de la DCE), le SAF, on était quatre dans le bureau du DCE. Il a fermé les deux portes. J’ai compris que quelque chose se préparait.
Il a pris la parole pour dire : ‘’ C’est Mme Binta Diallo qui m’avait offert cet argent avec une chemise, je les lui retourne’’. J’ai dit non : la chemise, je l’ai envoyée chez vous pour la vendre. Mais, puisque les autres habits n’étaient pas de votre pointure, je vous ai offert cet autre. J’ai dit ah monsieur DCE, ça c’est le début d’un feuilleton ! l’argent là, je vous l’ai remis à deux. Pourquoi aujourd’hui vous avez appelé des témoins pour me le rendre ?
Finalement j’ai pris l’argent. Et, ce jour aussi, il avait dit à ceux qui étaient présents dans le bureau qu’il ne voudrait jamais entendre qu’il m’a une fois rendu l’argent. J’ai pris l’argent, je suis venu jusqu’à Cosa, mais en voulant acheter des mangues, j’ai échangé des plastiques et j’ai fini par perdre les 10 millions que le DCE m’a retournés dans un taxi ».
Ayant convenu que ‘’l’œuf soit tué dans le torchon’’ comme le dit un adage africain, dame Binta Diallo s’est déplacée sur Fria selon ses dires. Le lendemain, poursuit-elle, « M. Kader Ousmane Camara, qui est directeur national adjoint de l’enseignement fondamental m’appelle pour me dire que monsieur le DCE l’a appelé pour lui dire qu’il y a eu des livres qui ont disparu dans mon magasin et que je lui avais donné une somme de 10 millions qu’il m’a retourné. J’ai dit c’est affirmatif. Il ajoute qu’il a demandé au DCE de gérer le problème à l’interne mais que ce dernier n’était pas d’avis. J’ai appelé le DCE pour lui dire (…). Je lui ai dit qu’il a commencé à violer notre accord en divulguant notre secret. C’est ainsi que je lui ai dit : « Sachez que s’il y a eu vol, c’est vous qui m’avez dit de voler ».
C’est peut-être une grosse erreur de ma part d’accepter de voler et de vous apporter de l’argent mais, c’est comme ça que ça se passe entre un subordonné et son chef. Mais, si vous continuez sur ce chemin, c’est tous les patrons de la Guinée ou du monde qui vont prendre l’exemple sur vous et moi. Car, je n’ai jamais agi seule et souvent les subordonnés n’agissent pas seuls. Vous m’avez dit que vous avez appris qu’il y a de l’argent à Matoto mais que vous, vous ne voyez pas cela. Je vous ai dit de patienter et vous m’avez même apprécié à cause de ma transparence. En ce moment, il n’y a pas de complicité entre lui et le SAF. Mais, quand il y a eu cette complicité, il a décidé de me détruire et de se sauver en se blanchissant », a révélé la mise en cause.
Et d’ajouter : « Ce problème a évolué mais, je le comprenais parce qu’en ce moment, il était sous l’influence du SAF, Ibrahima Sory Baldé. Et, ce dernier a toujours voulu ma tête depuis mon arrivée à la DCE. Une fois, il a même levé la main sur moi et m’a battue alors qu’il n’avait pas raison. J’ai voulu porter plainte mais il m’a appelé le soir pour me présenter ses excuses et j’ai laissé tomber… », a indiqué dame Mamadou Binta Diallo.
Par ailleurs, elle a affirmé que plusieurs médiations ont été menées jusqu’à l’inspection régionale de l’éducation en vue d’une résolution à l’amiable mais en vain. Selon elle, le DCE qui est son complice dans cette affaire est préoccupé par son envie démesurée de l’enfoncer.
Nos tentatives pour recueillir les propos du directeur communal de l’Education de Matoto sont restées sans suite.
A suivre…
Ibrahima Sory SYLLA et Ibrahima Sory Camara pour avenirguinee.org
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