Le chef rebelle syrien Abou Mohammed al-Joulani a abandonné le nom de guerre associé à son passé djihadiste et utilise son vrai nom, Ahmed al-Sharaa, dans les communiqués officiels publiés depuis jeudi, avant la chute du président Bachar al-Assad.
Cette démarche s’inscrit dans le cadre des efforts déployés par M. Joulani pour renforcer sa légitimité dans un nouveau contexte, alors que son groupe militant islamiste, Hayat Tahrir al-Sham (HTS), qui dirige d’autres factions rebelles, annonce la prise de la capitale syrienne, Damas, renforçant ainsi son contrôle sur une grande partie du pays.
La transformation de Jawlani n’est pas récente, elle a été soigneusement cultivée au fil des ans, comme en témoignent non seulement ses déclarations publiques et ses entretiens avec des médias internationaux, mais aussi l’évolution de son apparence.
Autrefois vêtu de la tenue traditionnelle des militants djihadistes, il a adopté une garde-robe plus occidentale au cours des dernières années. Aujourd’hui, alors qu’il mène l’offensive, il a revêtu un treillis militaire, symbolisant son rôle de commandant de la salle des opérations.
Mais qui est Joulani – ou Ahmed al-Sharaa – et pourquoi et comment a-t-il changé ?
Le lien entre l’EI et l’Irak
Une interview de M. Joulani réalisée par PBS en 2021 a révélé qu’il était né en 1982 en Arabie saoudite, où son père a travaillé comme ingénieur pétrolier jusqu’en 1989.
Cette année-là, la famille Joulani est retournée en Syrie, où il a grandi et vécu dans le quartier de Mezzeh à Damas.
Le parcours de Joulani en tant que djihadiste a commencé en Irak, lié à Al-Qaïda par l’intermédiaire du précurseur du groupe État islamique (EI) – Al-Qaïda en Irak et, plus tard, l’État islamique d’Irak (EII).
Après l’invasion menée par les États-Unis en 2003, il a rejoint d’autres combattants étrangers en Irak et, en 2005, a été emprisonné à Camp Bucca, où il a renforcé ses affiliations djihadistes et, plus tard, a été présenté à Abou Bakr al-Baghdadi, l’érudit discret qui allait finir par diriger l’ÉI.
En 2011, Baghdadi a envoyé Joulani en Syrie avec des fonds pour créer le Front al-Nusra, une faction secrète liée à l’EII. En 2012, Nusra était devenu une force de combat syrienne de premier plan, cachant ses liens avec l’EI et Al-Qaïda.
Des tensions sont apparues en 2013 lorsque le groupe de Baghdadi en Irak a déclaré unilatéralement la fusion des deux groupes (EII et Nusra), déclarant la création de l’État islamique d’Irak et du Levant (EIIL ou EI), et révélant publiquement pour la première fois les liens qui les unissaient.
Jawlani a résisté, car il voulait éloigner son groupe des tactiques violentes de l’ISI, ce qui a conduit à une scission.
Pour sortir de cette situation délicate, Jawlani a prêté allégeance à Al-Qaïda, faisant du Front Nusra sa branche syrienne.
Dès le départ, il a donné la priorité à l’obtention du soutien de la Syrie, en se distançant de la brutalité de l’IS et en mettant l’accent sur une approche plus pragmatique du djihad.
Rejoindre Al-Qaida
En avril 2013, le Front al-Nusra est devenu la filiale syrienne d’Al-Qaïda, ce qui l’a mis en porte-à-faux avec l’EI.
Si la décision de Joulani visait en partie à maintenir le soutien local et à éviter de s’aliéner les Syriens et les factions rebelles, l’affiliation à Al-Qaïda n’a en fin de compte guère contribué à cet effort.
Elle est devenue un défi pressant en 2015 lorsque Nusra et d’autres factions se sont emparées de la province d’Idlib, les obligeant à coopérer à son administration.
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