La junte au pouvoir au Mali a nommé, jeudi en fin de matinée, le général Abdoulaye Maiga, pour remplacer Choguel Kokalla Maiga, premier ministre civil, limogé la veille suite à une crise avec les autorités militaires.
Il y a juste un mois qu’Abdoulaye Maiga a arboré le grade de général, après un conseil de ministres qui a consacré le passage du grade de colonel à général pour cinq hauts responsables du pays, dont le président de la transition Assimi Goita.
Réputé proche du Président de la transition, Abdoulaye Maiga est un visage devenu familier pour les Maliens. Il est connu pour ses discours virulents à l’endroit des occidentaux, notamment la France.
Le général de 43 ans est dans le gouvernement depuis 2021, où il a servi comme ministre de l’Administration territoriale, avant de cumuler avec la fonction de porte-parole du gouvernement, donc, l’une des figures principales de la communication de la junte.
Le site du gouvernement le présente comme expert en sécurité internationale et défense, en gestion des conflits et bonne gouvernance, en droits de l’homme et droit humanitaire.
Gendarme de formation et titulaire de deux doctorats, dont l’un en droit et l’autre en management, il est aussi présenté comme disposant d’une grande capacité dans la négociation de haut niveau et l’organisation de conférences impliquant des représentants d’États ou d’organisations gouvernementales et non gouvernementales.
M. Maiga a servi à l’Union Africaine et à la CEDEAO, le regroupement sous régional, comme expert dans l’alerte et la prévention du terrorisme, et a aidé à la réforme de la police congolaise dans le cadre de la mission des Nations Unies en RDC.
Il rejoint une primature qu’il connait déjà, puisqu’il y a servi comme intérimaire en 2022, lorsqu’il a remplacé momentanément Choguel Maiga, alors hospitalisé.
Il devient le premier militaire à être nommé à cette fonction de manière permanente, depuis le double coup d’Etat de 2020-2021 dans le pays.
Pourquoi Abdoulaye Maiga remplace- t-il Choguel Maiga?
Depuis le week-end dernier, une crise a éclaté entre le désormais ex- Premier ministre malien (Choguel Maiga) et les autorités militaires au pouvoir. Ce qui s’est soldé par sa destitution ainsi que l’ensemble de son gouvernement.
C’était au terme d’un décret du Président de la transition, Assimi Goita, lu le soir à la télévision publique. Abdoulaye Maiga, le nouveau Premier ministre n’a pas encore annoncé la nomination de son équipe gouvernementale.
Cette dernière devrait remplacer celle de Choguel Maiga, emportée par une crise que l’ex-Premier ministre a lui-même créée.
À l’occasion du premier anniversaire de la reprise de la ville de Kidal par l’armée malienne aux mains des rebelles, Choguel Kokalla Maiga a fustigé sa mise à l’écart par les autorités de la transition.
Devant ses militants du Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), Monsieur Maiga, en tenue militaire, a abordé le sujet délicat de la fin de la transition.
« La transition était censée prendre fin le 26 mars 2024, mais elle a été reportée sine die, unilatéralement, sans débat au sein du gouvernement » a-t-il déclaré.
Pour lui, « le Premier ministre d’un pays ne peut pas apprendre dans les médias que les élections ont été reportées. C’est à la télé que les ministres ont appris que les élections ont été reportées ».
Se faisant applaudir par l’assistance, le Premier ministre de 66 ans tente de rassurer ses partisans. « Nous avons la patience stratégique… Certains ont compris cette patience comme de la faiblesse, or, nous sommes habitués à nous battre politiquement depuis 50 ans », lance-t-il à l’auditoire.
Mettant en garde, » l’objectif de la conférence d’aujourd’hui, c’est de faire en sorte que tout le monde comprenne que, là où il y a des erreurs, qu’on se ressaisisse. Les Maliens n’accepteront jamais que ce qu’ils ont combattu revienne ».
Crise inévitable entre Choguel Maiga et Assimi Goita ?
Les experts maliens sont tous unanimes : cette sortie du Premier ministre malien allait finir par arriver.
« Choguel Maiga était devenu un Premier ministre de fait », explique le journaliste politique Mohamed Attaher Halidou, car, selon lui, ces derniers mois, l’homme politique n’avait eu de cesse d’appeler à la clarification des termes de la transition.
Pour Brahima Mamadou Koné, analyste politique malien, M. Maiga n’a pas improvisé ce discours, mais il a su le placer pour exprimer un désaccord qui était devenu flagrant.
« C’est quelqu’un qui ne partage plus la vision actuelle de la conduite de l’action gouvernementale, depuis la nomination du Ministre de l’administration territoriale, le général de division Abdoulaye Maiga. Il s’est dit : si je démissionne personnellement, je me tuerai politiquement, et s’est dit qu’il fallait faire cette sortie pour que le chef de l’État le limoge », explique l’analyste politique.
S’ouvre donc désormais une période d’incertitude, même si, pour Mohamed Attaher Halidou, le Premier ministre a prononcé un « discours de divorce », et désormais, M. Maiga est « un animal politique blessé ».
Pour Brahima Mamadou Koné est allé plus loin, en confiant à la BBC que la cohabitation était désormais impossible entre les deux camps qui dirigent la transition. On risque selon lui, d’assister à « une action gouvernementale bloquée », précise-t-il.
Un divorce risqué ?
C’est désormais la grande question. Choguel Kokalla Maiga accompagne les autorités de la transition au Mali depuis plus de trois ans.
Connu comme étant l’un des responsables du Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), le groupe à l’origine de la contestation qui a conduit au renversement par coup d’État contre le président Ibrahim Boubakar Keita, M. Maiga s’est positionné, selon les experts, comme la principale figure civile de la transition.
Un divorce entre lui et les militaires ne saurait donc se faire sans conséquences, estiment nos experts. Il est, selon ces derniers, un caillou qui pourrait se mettre dans la chaussure des autorités militaires en place au Mali.
D’autant plus que Choguel Maiga tient une arme redoutable, une aile du mouvement M5-RFP, dont il est le leader. « Cette branche pourrait devenir une force de contestation contre les autorités de la Transition », estime Brahima Mamadou Koné.
En plus, ayant été chef du gouvernement pendant plus de trois ans, M. Maiga connait désormais l’appareil de l’État. Pour Mohamed Attaher Halidou, « il pourrait se lancer dans un déballage des affaires d’État qui mettrait en mal les autorités ».
Toutefois, il ne faudrait pas surestimer ses forces, temporise le politologue Brahima Mamadou Koné, pour qui « Choguel Maiga tient le charisme de sa fonction de Premier ministre. S’il est démis de ses fonctions, il ne pourra plus s’ériger en leader pouvant rassembler le M5-RFP, qui regroupe trois factions distinctes aujourd’hui ».
Le Mali est dirigé par des militaires depuis août 2020, après un coup d’État contre le président Ibrahim Boubacar Keita, qui a suivi des mois de contestation de la société civile et de la classe politique.
Moins d’un an après, un autre coup d’État a cette fois visé, en mai 2021, les autorités ayant pris le pouvoir le président Keita.
Le nouveau leader, le désormais général Assimi Goita (colonel à l’époque), a promis d’organiser des élections en février 2025, avant de les reporter à une date inconnue, invoquant des « raisons techniques » sans donner plus de précisions.
Avenirguinee avec BBC