Opinion-Les nouvelles autorités sont en train de jouer à un jeu dangereux. A leur arrivée, le 5 septembre, la junte qui a chassé Alpha Condé au pouvoir disait avoir pris le pouvoir parce que le pays était dans des conditions difficiles. Mais après près d’une année au pouvoir, les mêmes problèmes soulevés par ces militaires sont toujours vécus par les guinéens.
Le conseil national pour le redressement et le développement a annoncé être venu refonder l’Etat, rectifier les institutions. Mais l’allure où les choses vont, la junte au pouvoir risque de conduire le pays dans un cercle vicieux plus compliqué qu’avant que les militaires ne renversent le pouvoir d’Alpha CONDE.
Aujourd’hui, de nombreux guinéens doutent sur l’aboutissement de la transition. Les droits de l’homme sont violés, la liberté d’expression n’est pas aussi respectée comme le prétend le CNRD car des journalistes sont tabassés par des hauts gradés. Les nouvelles autorités semblent virées vers la dictature qu’on reprochait à l’ancien président. Le CNRD est accusé de piloter le pays de façon unilatérale et reste allergique à toute contestation.
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Le fossé entre les militaires et les grandes formations politiques du pays s’élargit chaque jour. Les politiques avaient réclamé un cadre de dialogue pour discuter avec la junte afin de trouver des compromis sur des points litigieux comme la durée de la transition. Mais au lieu de répondre à cette demande, le CNRD a initié un cadre de concertation en le conduisant sans les grands partis politiques qu’ils pensent devenir une menace pour lui.
Autre inquiétude, la composition du CNRD. Les guinéens ignorent toujours qui sont les membres. Les autorités refuser de diffuser la liste des membres comme l’avait fait l’ancienne junte conduite par Moussa Dadis CAMARA. Seulement, le président de la transition Colonel Mamadou DOUMBOUYA, Amara CAMARA secrétaire général à la présidence et le haut commandant de la gendarmerie nationale Balla SAMOURA qui sont connus comme membre du CNRD.
Le régime d’Alpha a été reproché d’inféoder la justice. Le président de la transition à sa prise de pouvoir avait promis que la justice sera la boussole qui orientera la transition. Sans doute, cette boussole est désorientée.
Dès le début, le colonel s’est illustré à travers des gestes forts : libération des prisonniers politiques, suppression des postes avancés (PA) qui réprimaient les manifestants, suppression des barrages à l’intérieur du pays, ouvertures des frontières, réduction du prix des produits pétroliers…
A travers ces décisions, la junte avaient gagné le cœur des guinéens et surtout de citoyens de l’axe, le bastion principal des oppositions du troisième mandat. Si de nombreux guinéens ont salué ces décisions, c’est la chute du régime Alpha Condé qui a le plus satisfait de nombreuses victimes de la gestion CONDE.
Mais il a fallu quelques semaines pour que des doutes s’installent et grandissent. Ces doutes sont alimentés par le silence du CNRD sur la durée de la transition. Les militaires ont réussi à passer plusieurs mois sans que les guinéens ne sachent combien de temps va durer la transition. La charte publiée par les militaires unilatéralement mentionne que la durée sera déterminée par les forces vives du pays. Cependant le CNRD n’a pas hésité de violer sa propre charte qu’il a élaborer seul.
Les autorités soumettent une proposition de 3 ans 3 mois. Le CNT qui est vu par les politiques comme un pouvoir aux ordres des militaires fait une légère réduction « pour couler sa face ». Le CNT serait une sorte de ruse planifier minutieusement par le CNRD pour donner l’impression d’une gestion respectueuse des procédures. Mais cette Junte finit par dévoiler sa face dans une de ses décisions en mai dernier.
Sachant que la durée validée par le CNT sera contestée. Elle interdit le 13 mai toutes manifestations sur la voie publique, de nature à compromettre la quiétude sociale et l’exécution correcte des activités contenues dans le chronogramme jusqu’aux périodes de campagne électorale ».
L’ancien régime avait affirmé préférer l’ordre qu’à la loi. Le CNRD brandit à son tour le désir de l’ordre comme argument pour justifier l’interdiction de manifestation. Mais cette même junte oublie qu’elle avait garantie le respect des droits de l’homme.
Cette interdiction de manifestation a fait réagir le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme qui souligne que ces mesures violent les normes et standards internationaux en matière de droits de l’homme et constituent un recul sur la voie du renforcement de la démocratie et de l’État de droit.
Les nations unies appellent les autorités guinéennes à rétablir sans délai le droit à la liberté de réunion pacifique. Cette demande est rejetée par Conakry.
Autre dérive du pouvoir est enregistrée dans les opérations de récupération des biens immobiliers de l’Etat. Ces démolitions de propriétés privées à Conakry, Siguiri et Nzérékoré est menée alors que « des recours étaient encore en instance devant les tribunaux » s’est inquiété le haut-commissariat de droit de l’homme. Le CNRD comme le temps d’Alpha CONDE est resté sourd face à ces critiques.
Dans sa lutte contre les détournements de denier public, corruption…, là aussi, les procédures sont violées. Les dignitaires de l’ancien régime sont mis en prison avant leur procès.
La justice qui devait être là boussole est loin d’accomplir cette tâche convenablement à cause des pressions du pouvoir exécutif qui se mêle à tout.
A l’arrivée des militaires, les victimes des événements du 28 septembre 2009 et les victimes des manifestations du régime d’Alpha Condé avaient l’espoir de voir leurs dossiers au cœur de la transition guinéenne.
Mais aujourd’hui c’est la désillusion puisque la junte enregistre sa première victime de manifestation de rue avec la mort de Thierno Mamadou Diallo, atteint par balle lors d’une intervention des forces de l’ordre à Hamdallaye, banlieue de Conakry. En attendant Alpha CONDÉ voyage librement sans être à vrai dire inquiété. Ce qui amène même certains à dire que le coup d’État n’a été qu’un simple transfert de pouvoir.
Par Yacine Diallo