Édito-Colonel Mamadi Doumbouya, a livré son discours hier à la tribune des Nations Unies. C’était à l’occasion de la 78ème session de l’assemblée Général de l’ONU. Dans son allocution, le chef de la transition guinéenne, s’est voulu tranchant sur plusieurs sujets qui interpellent actuellement les Etats africains. Il s’agit notamment de la question des coups d’Etat, de la démocratie, des rapports avec les puissances étrangères, ainsi que la transition qu’il mène en Guinée depuis maintenant 2 ans. Un discours salué d’un côté et décrié de l’autre côté. De notre point de vue, c’est un discours contraste qui crée la controverse.
Il était attendu et il s’est fait entendre. Sauf que, le son qu’il a émis à cette tribune des Nations Unies, résonne différemment dans les oreilles.
Quand vous posez la question aux acteurs de la transition, ils vous diront que c’est un discours historique. Certains d’entre eux, notamment le Président du CNT, vont jusqu’à dire, que le discours du géant géniteur de la refondation, marque le retour de la Guinée dans le concert des nations. Ce n’est pas mauvais. C’est son opinion et c’est ce qui l’arrange. Sauf que le peuple n’est pas amnésique au point d’oublier que la Guinée n’a jamais été absente dans le concert des nations depuis 2010.
Dans son discours, il a parlé de l’Afrique et de la gestion africaine des problèmes africains. Pour la majorité de la jeune génération, c’est un discours osé, véridique et panafricaniste. Cela aussi se comprend et ça s’explique. Le niveau de l’éducation éloigne de jour en jour notre jeunesse, de la raison et des réflexions objectives. Le mal est renforcé par l’avènement des réseaux sociaux. Tout le monde a accès à tout. Les discours populistes et racistes d’une certaine catégorie de panafricanistes, est largement consommé de nos jours par des jeunes Guinéens et africains. Kemi Seba, l’un des symboles de cette cause, a déchiré le francs CFA de la France, mais il conserve toujours son passeport Français.
Malheureusement, les jeunes, n’ont plus le courage, ni le temps d’apprendre pour être au même niveau que ceux qu’ils écoutent en longueur des journées. Ils sont déjà satisfaits des discours qui leur sont servis sur les réalités de leurs pays et du continent Africains. Donc, nul besoin pour eux de fouiller pour contredire, de chercher pour découvrir et d’apprendre pour approfondir leurs capacités de réflexions et d’analyses.
L’autre défi qui limite la réflexion de notre jeunesse, est la pauvreté dans le chômage. On sait tous les conséquences qui découlent d’une telle situation. Tous les moyens qui vont permettre d’avoir quelque chose dans la poche pour se nourrir, sont jugés bons. Ne soyez donc pas étonnés d’assister à des spectacles superflus dénués de la raison et du bon sens.
L’autre catégorie d’analystes, sont des opposants au régime de la transition. Ils cumulent la raison et les réclamations politiques. Mais parce qu’ils sont opposants, c’est toujours la partie politique de leurs interventions qui retient les attentions.
Loin d’eux, il y a aussi des esprits critiques. Pour avoir été témoins des hauts et grands faits de notre histoire, ou pour avoir parcouru le monde et accumulé des connaissances profondes, ils relèvent assez de contrastes et de dissonances dans ce discours du Colonel Doumbouya. Ils sont moins nombreux, mais très pertinents. Ils savent beaucoup, mais parlent peu, à la différence de ceux qui, pour la plupart, parlent beaucoup alors qu’ils ne savent pas assez.
Du regard de cette dernière catégorie d’analystes dont la réflexion retient notre attention, il y a 4 types de putschistes différents de la définition donnée par le Colonel Doumbouya.
Des putschistes qui prennent le pouvoir avec une certaine volonté de changer les choses, malgré qu’ils sont pour la plupart conscients de ne pas pouvoir apporter quelque chose de grand ou de miraculeux, qu’un régime légal et légitime n’a pas pu faire.
Des putschistes qui viennent au pouvoir parce qu’ils sont avides du pouvoir. Ils sont conscients qu’ils n’ont aucune notion de l’Etat et ne disposent d’aucuns instruments (formation ou expérience) préalables, pour aider à la réalisation des objectifs de développement de leurs pays. Ils gouvernent dans le faux mais donnent l’impression d’être en train de redonner la dignité et la souveraineté à leurs pays.
Des putschistes qui viennent au pouvoir par cupidité parce qu’ils veulent tout juste baigner dans la richesse quels que soient l’origine, les moyens ou les conditions d’acquisition. Ils perpétuent leur pouvoir par des pratiques de corruption et d’enrichissement illicites démesurées.
Enfin, des putschistes qui viennent au pouvoir par camouflage, guidés soit par l’esprit de vengeance, soit par l’impérialisme pour se venger et sauvegarder leurs intérêts au détriment des intérêts supérieurs de leurs peuples.
Sur la notion de démocratie, il faut confronter le Colonel Doumbouya à son discours historique du 5 septembre 2021, qu’il a tenu au nom de la démocratie et du respect des principes démocratiques, à celui d’hier dans lequel il condamne la démocratie comme la source des malheurs d’un pays indépendant depuis maintenant 65 ans.
Il y a quelques mois, l’intellectuel Gassama Diaby, nous faisait une sorte de prémonition en ces termes :
« En Guinée, quand on est hors du pouvoir et de ses avantages, tout le monde est démocrate. Une fois le pouvoir acquis ou dans les faveurs du pouvoir, l’amnésie nous prend et les convictions mutent en convulsions ». Fin de citation.
Hier, Mamadi Doumbouya a pris le pouvoir au nom de la démocratie, aujourd’hui son désir démocratique est devenu un détail, un mal, voire même une catastrophe pour notre pays. A quoi faut-il s’attendre désormais ? Un régime autocrate ? monarque ou oligarque ? Le temps nous en dira et le peuple en décidera.
Mamoudou Babila KEITA, Journaliste.