Ce vendredi 22 décembre 2023 marque les 15 ans d’anniversaire de la disparition du deuxième président de la République de Guinée, le Général Lansana Conté. Cette célébration arrive dans un contexte particulier lié à la crise que traverse la Guinée.
Pour aborder un pan important de l’histoire du pays et parler de celui qui est arrivé au pouvoir suite au décès du feu président Ahmed Sékou Touré, l’ex ministre Moussa Solano a ouvert son cœur jeudi, 21 décembre, lors d’un long entretien qu’il a accordé à la rédaction d’avenirguinee.org à son domicile privé de Sangoyah, dans la commune de Matoto.
Son souvenir de l’arrivée au pouvoir du chef du PUP, de la vision de l’homme pour la Guinée, de sa capacité de résoudre les crises, l’ex président de l’assemblée nationale s’est prêté à nos questions sans contours. Nous livrons ainsi un premier extrait de son intervention.
À l’entame de sa prise de parole, il a insisté sur le fait que : « c’est avec beaucoup de douleur et de tristesse qu’on aborde un aspect concernant le feu Général Lansana Conté. Le Gl Lansana Conté fut un grand homme qui a dirigé la Guinée durant plus de 20 ans. Ce n’est pas mince lorsqu’on dirige un pays environ un quart de siècle, c’est déjà important. En termes de relation avec les hommes, en termes d’actes pris, en termes de connaissance du pays, des hommes dans leurs attitudes, dans leurs fonctionnements, dans leurs façons de faire, c’est déjà un ensemble de choses qu’un responsable, qu’une autorité, qu’un homme politique de la trempe du président Lansana Conté a emportée avec lui », dit-il d’entrée.
Le président du PUP s’est fait remarquer durant les 24 ans de son régime par la discrétion, son sens d’écoute et sa capacité de résoudre les crises. Selon Moussa Solano : « le président Lansana Conté a été un homme toujours peu parlant, ce n’était pas un homme très bavard. Il était toujours à l’écoute des autres. Je crois que le fait d’être très discret ou d’être beaucoup plus avar en parole faisait qu’il avait beaucoup plus d’informations et pouvait recevoir beaucoup plus d’éléments, d’idées des autres que lui pouvait en donner. Et cela lui permettait de connaître beaucoup plus les hommes », poursuit-il.
De nombreux hommes politiques activistes de la société civile ne se gênent pas d’affirmer que les autorités venues au pouvoir après la première république n’ont pas pu conserver les acquis du PDG-RDA. Notre interlocuteur rappelle que le contexte était très complexe.
« Nous qui sommes restés autour de lui pendant plusieurs années, nous pouvons aujourd’hui dire que Lansana Conté est venu à un moment où il fallait pour la Guinée. Nous étions à la croisée des chemins comme nous le sommes aujourd’hui, comme nous l’avons été en 2008 à sa mort. Et quand on est à la croisée des chemins, on se cherche. Il fallait trouver une alternative, il fallait trouver un chemin pour le peuple de Guinée. Il fallait dire au peuple de Guinée d’où on vient, où on va. Il y a eu une rupture épistémologique avec le système passé, il fallait maintenant aborder un nouveau système. Quel devrait être ce nouveau système ? On ne savait pas. Est-ce qu’il fallait continuer la révolution, c’était peu probable. Est-ce qu’il fallait s’ouvrir à une nouvelle aventure ? Que devrait l’être ? Est-ce que la Guinée était prête à s’engager dans cette nouvelle aventure ? Quels sont les atouts que nous avions si on s’engageait dans cette nouvelle aventure ?…», des interrogations que rapporte le ministre Salano, qui ont poussé le Général Lansana Conté à prononcer son discours programme, accueilli avec espoir par le peuple de Guinée.
« A partir de ce moment, nous étions dans des situations extrêmement difficiles. Et donc, l’arrivée du président Lansana Conté, avec beaucoup de tolérance, avec une vision. Il dit : « donc, nous allons engager la démocratie. La démocratie, ce que moi j’ai une voix et vous aussi avez une voix, lui aussi a une voix même si c’est mon fils. Je ne vote pas au nom de ma famille pour dire que puisque je suis le chef de famille, toute ma famille est obligée de voter au nom de tout le monde. Chacun a sa voix ». Donc, le fait de laisser à chacun le choix et donner une certaine conception dans le choix de celui que je vois au pouvoir est déjà quelque chose d’extrêmement important. C’était ça le départ de la démocratie. Deuxième élément, c’est le fait qu’on dise que désormais tu es responsable de ton destin, tu construis ton destin, là, c’était un fait nouveau. Si hier on nous donnait tout, aujourd’hui tu vas travailler à la sueur de ton front et tu vas construire ton destin par ton intelligence, par ton savoir-faire, par ton engagement et par ta détermination, c’est ça le libéralisme. Alors, c’étaient des faits nouveaux qui entraient en ligne de compte dans la vie du guinéen. Les Guinéens découvraient ainsi un monde nouveau, un monde qu’il fallait embrasser avec une certaine inquiétude mais, il fallait y aller avec une certaine détermination. Pour donner du courage aux guinéens, il a fallu que le Général Lansana Conté fasse le discours programme du 22 décembre 1985. « Voilà ce que je vous propose, voilà les hommes pour le faire et comment nous allons le faire ». Les Guinéens ont compris que nous abordions une phase nouvelle et que nous avions donc des ressorts pour pouvoir encore bondir. Alors, c’était une nouvelle vie qui commençait. Je crois qu’il faut saluer le président Lansana Conté pour ce passage en douce », indique-t-il. Laissant entendre ensuite que : « beaucoup peuvent penser ce qu’ils pensent, mais ce n’était pas facile de construire. Au moment où il prenait pratiquement le pouvoir, Conakry s’arrêtait à Gbessia ou à Matoto… ».
À suivre…
Ibrahima Sory Camara pour avenirguinee.org